Monsieur Linh est un vieil homme asiatique qui, en temps de guerre, découvre parmi les corps de son fils et la femme de celle-ci, son innocente petite-fille Sang diû, avec laquelle il s’enfuit en bateau.

Philippe Claudel nous offre de sa plume délicate et pudique le récit de monsieur Linh. Arrivé sur une terre occidentale dont l’auteur ne nous indique pas le nom, et recueilli dans un lieu réservé aux réfugiés, il est perdu dans cette ville sans odeur dont il ne connait ni la langue des gens ni les coutumes.
Monsieur Linh est un homme très seul qui ne se maintient en vie que pour prendre soin de sa très jeune petite fille, son plus grand trésor, sa princesse. Parmi ses autres trésors, le vieil homme compte un sac de terre de son pays natal et une photographie ancienne de sa défunte femme et lui. De peur que le soleil finisse par manquer à sa protégée, il s’aventure dans la ville, bruyante, pressée et effrayante, Sang diû dans les bras. Et c’est ainsi que le vieux monsieur Linh, assis sur un banc, fait la connaissance de monsieur Bark, un homme veuf et fatigué.
Chaque jour, les deux hommes et Sang diû se retrouveront au même endroit. De leurs rencontres naitra une drôle et profonde amitié. L’amitié de deux personnes qui ne parlent pas la même langue. L’un ne sait dire que «bonjour» dans la langue du pays d’accueil, quand l’autre pense que monsieur Linh se nomme Tao-laï, quand cela signifie « bonjour » dans la langue de celui-ci. Ils ne communiquent pas avec des mots mais avec des sons : celui de la langue de Bark dont monsieur Linh se délecte de la sonorité, et de la chanson pleine d’espoir qu’offre en retour le vieil homme à son ami. Bark se révèle être également veuf :tous deux se le font comprendre en s’échangeant la photographie de leur femme respective. Ponctuée de main respectueusement posée sur l’épaule, de sourires, de cafés, restaurants et cigarettes offertes : c’est ainsi qu’une amitié non verbale naîtra, arrachant chacun à sa solitude. Elle sera la lueur d’espoir pour monsieur Linh qui lui donnera la force de se battre contre la méchanceté et l’égoïsme des personnes et du système de ce nouveau pays.

La petite fille de monsieur Linh se lit comme un conte où l’innocence, la bravoure et la poésie se mêlent sur un fond de bitume, de bruit et d’aigreur. L’auteur rappelle son identité cinématographique en nous proposant un roman aux images fortes et qui parle à notre imaginaire. Ce court roman émeut et remue. À la tristesse absolue de la perte des siens, de son pays, de tous ses moindres repaires, l’amitié, la vraie, la belle, la rarissime, vient répondre que, oui, comme dans la chanson « il y a toujours un lendemain » joyeux.
On ressort de cette lecture bouleversé et grandi. Claudel soutient que la tristesse a son utilité, celle de reconstruire la beauté par-dessus. Et il en est tout à l’honneur poétique de l’écrivain que d’insister sur ce qui rend plus fort et confiant son lecteur…
Clou
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le 12 janv. 2014

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