À l'âge de 9 ans, Adélaïde a fait ses adieux à une petite fille sur la banquise. Elle s'est comme dédoublée pour devenir une autre, un fantôme errant dans les méandres de la guérison.


Avant ce jour terrible du mois de mai, Adélaide était une enfant rieuse. Déambulant en robe à smocks et chaussettes dentelées dans les quartiers bourgeois de Paris. Au retour de la fête de l'école, elle croise le chemin de "L'électricien", violeur en série, pédo-criminel.


Dans son cerveau en construction c'est le court-circuit. L'événement est trop violent, trop indescriptible pour que l'information puisse être traitée normalement. C'est le trou noir. Sa mémoire conservera ces deux mots : pédophile, attouchement. Or le pédophile est "l'ami des enfants" et des attouchements "ça n'est pas si grave, ça n'est pas un viol". Reste à se construire sur ce postulat.


Mais la petite fille va mal, elle n'est plus rieuse. Elle fait seulement bonne figure.
Dans la rue elle a des flashs, sa gorge est bloquée, son bassin absent du reste de son corps.
Par chance, Adélaide grandit dans le confort d'une famille "bourgeoise". Elle pourra comprendre ses maux au terme d'années de psychanalyse et autres médecines parallèles. Elle comprendra ainsi, par bribes, l'horrible source du blocage de son bassin et de sa gorge. Jusqu'au jour du procès, jusqu'à l'écriture de ce récit édifiant et nécessaire.


Nécessaire pour comprendre la psychologie du viol d'une enfant de 9 ans (et ses ravages). Adélaïde Bon a tant lutté pour comprendre ses maux qu'elle en est la meilleure pédagogue, usant de métaphores parfaitement choisies pour expliquer au lecteur les mécanismes d'amnésie et de choc post-traumatique. Nécessaire pour admettre l'incompétence des experts face à ces symptômes et le besoin urgent de formation qui en découle. Un exutoire reçu par le lecteur comme une colère, celle de ne pas savoir, de ne pas voir, de ne pas pouvoir.


Colère de savoir qu'ont été dénombrées 72 victimes, nombre auquel semble-t-il selon un expert, il faille ajouter un 0.


Edifiant, nécessaire, violent et fort heureusement ponctué du mot guérison.

Dadou-lit
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le 21 juil. 2018

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