Ce récit moins connu que d’autres, rappelle le talent de Maupassant pour trousser une histoire en une petite cinquantaine de pages et marquer les esprits de ses lecteurs (lectrices).


Au cœur de ce récit paru en 1886, on trouve le meurtre d’une fillette au seuil de l’adolescence. La première partie décrit la découverte du corps, nu, au bord de la Brindille, cours d’eau (imaginaire) qui arrose le village de Carvelin. La petite Roque a été violée et étranglée. Découverte par le piéton Médéric Rompel (distributeur du courrier), dans une futaie appartenant à monsieur Renardet, le maire. L’enquête piétine malgré la découverte des sabots de la petite sur le seuil de la porte de la maison de sa mère éplorée, le lendemain matin du crime.


La deuxième partie décrit les affres endurées par l’assassin, qui réalise l’ignominie qu’il a commise. Seconde partie particulièrement soignée par Maupassant. Ses descriptions montrent la tension montant chez l’assassin pris de remords. Il sait que toutes les explications possibles ne justifieront jamais ce qu’il a commis. Une sorte de folie monte en lui, s’insinue dans son esprit, avec des manifestations qu’il se montre évidemment incapable de maîtriser (pas plus qu’il n’a pu maîtriser ses pulsions au moment du drame). Un mécanisme qui n’est pas sans rappeler ce qui se passe dans l’esprit de Raskolnikov après son assassinat de la vieille usurière dans Crime et châtiment de Dostoïevski (parution initiale en feuilleton en 1866, soit 20 ans avant le récit de Maupassant).


La notice de l’édition Fermigier (Folio classique) précise que le thème de l’assassinat et du viol d’une fillette n’est pas un cas unique parmi les classiques de la littérature, citant Huysmans pour Les sœurs Vatard (1879), Zola pour L’argent (1891), Octave Mirbeau pour Le journal d’une femme de chambre (1900) et Jules Renard pour L’écornifleur (1892).


On remarquera qu’il n’est pas ici question de croyances ou pratiques religieuses, Maupassant n’ayant que peu d’intérêt pour le thème. L’écrivain préfère faire sentir que si l’assassin réagit, c’est parce qu’il prend conscience que la vie est ce que chacun chacune porte de plus précieux. D’ailleurs, l’assassin affiche un naturel débordant d’énergie, de vie. On pourrait même considérer que c’est ce qui l’a mis dans cette fâcheuse posture, car tout le porte vers l’action selon des impulsions qui ruinent sa raison. Finalement, dans sa tête, la pulsion de vie et la pulsion de mort se livrent un duel à l’issue bien incertaine.


Guy de Maupassant joue donc sur l’attention du lecteur aiguisée par les effets qu’il trouve et non sur un suspense de roman policier (on sait rapidement qui est l’assassin). Inspiré par un ou plusieurs faits divers, l'auteur joue à plein de ses qualités : excellent conteur sachant titiller la curiosité de son lecteur, excellent portraitiste. Il excelle aussi à décrire les affres de la torture intérieure d’un esprit rongé par la culpabilité. Pourtant, ce récit se révèle moins marquant que Le Horla par exemple, sans doute parce qu’il reste à la lisière du fantastique (le sujet s’y prête moins), pour se contenter de divagations de l’esprit. Sans rater sa cible, La petite Roque manque un peu d’originalité.

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le 31 mai 2017

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