« L'écriture plate me vient naturellement » (p. 24), merci de préciser… Chez certains c'est le lyrisme, chez d'autres le sarcasme, chez d'autres encore la diarrhée, c'est comme ça. Comme Annie Ernaux est plutôt sèche de ce point de vue, donc, c'est la platitude. Bien des familles ont dans leurs albums de ces photos sépia : mère assise, père moustachu s'appuyant d'une main sur la chaise, adolescents gominés à l'arrière-plan, bambins en jupe au premier, ou grand-père devant ses clapiers à lapins. Autrement dit, une succession de clichés : rarement grand-père en jupe sur la chaise.
Dans "la Place", c'est la même chose : un peu d'histoire familiale, agrémentée d'un peu de "France au parfum d'antan" et d'un peu de mauvaise conscience de classe. Pas de vague effort d'originalité dans la mise en scène ou dans la construction — je ne compte pas l'idée de commencer par la fin, connue dès avant "Citizen Kane". Ce qui, certes, ne distingue pas Annie Ernaux de Flaubert ; mais ce dernier écrivait 1° avec du style, 2° « de telle manière que le lecteur ne sache pas si on se fout de lui, oui ou non » (lettre à Louis Bouilhet, 4 septembre 1850). Le lecteur d'Annie Ernaux sait.
Le plus étonnant est que cela tienne plus de dix pages ; les lectures plates me tiennent difficilement.
En 1984 Pierre Michon publiait "Vies minuscules".