Malin comme un singe.

En 1963, Pierre Boulle, un français bien de chez nous, accouchait d'une oeuvre majeure de la SF : La planète des Singes. Que vous ayez vu l'excellent film de 1968 avec Charlton Heston, celui de Burton dans les années 2000 ou les nouvelles aventures de 2010; oubliez-les. Ces films n'adaptent pas la vision de l'auteur français. Ils s'inspirent de son matériau de base et en retiennent des éléments ici et là pour les arranger à leur convenance. Ce n'est pas plus mal car cela permet de découvrir pleinement le roman original qui comporte son lot de surprises !

Dans le futur, les hommes de la Terre ont des envies de découvertes intergalactiques et c'est ainsi qu'Ulysse Mérou, un journaliste parisien, part en voyage avec le professeur Antelle, son assistant Arthur Levain et un petit chimpanzé de compagnie du nom d'Hector. Utilisant la vitesse luminique, nos aventuriers finissent par arriver dans le système de l'étoile géante Bételgeuse et y abordent une de ses planètes satellites qui ressemblent fortement à la planète Terre. En effet, sans parler de la présence d'atmosphère, d’oxygène, de continents, de forêts et de villes, il y a également des êtres humains !

Sauf que ce sont des être primitifs, proches des animaux...La race dominante c'est celle du singe.Ce sont eux les êtres pensants de la planète Soror. Ce sont eux qui parlent. Eux qui portent des vêtements. Eux qui forment une civilisation basée sur des règles et des lois. Nos aventuriers le découvrent bien assez vite puisqu'ils sont capturés par les singes et Ulysse se retrouve séparé de ses compagnons et envoyé dans un centre de recherche et d'expérimentation. Comparé à ses congénères de la planète Soror, limités intellectuellement, Ulysse est rapidement remarqué par Zira, une chercheuse guenon, qui va tenter de le libérer.

Ici je viens de résumer les 2/5 du livre. La suite concerne la découverte de la planète Soror par Ulysse. C'est donc là que le livre commence vraiment, d'autant plus qu'on est familiarisé avec le style fluide de l'auteur et qu'on s'est attaché aux personnages, à poil et à poils. La présentation de cette société simienne est un pur régal dans le sens où, comme Ulysse, on ne peut s'empêcher de la mettre en perspective avec notre propre société terrienne. Rapidement on en vient à se demander comment les singes ont pu prendre le contrôle. Et c'est là que les films ont un rôle à jouer. Ils vont brouiller les pistes.

Personnellement j'ai essayé de recouper le livre avec les adaptations cinématographiques et la conséquence fut sans appel; j'ai pris une claque dans mes petites joues d'être humain. Et un frisson glacé m'a parcouru l'échine en même temps que la gifle de Boulle marquait ma joue d'être dominant. Dans son roman d'anticipation, l'auteur met en garde l'être humain sur son avenir. Il l'invite à ne pas se reposer sur ses acquis et sur la suprématie de son intellect. Il invite également à s'interroger sur les expérimentations scientifiques sur des êtres vivants. Cela a également lieu sur Soror sauf que les cobayes sont les animaux du coin; les humains. Personnellement les seuls animaux que j'apprécie c'est ceux en sauce dans mon assiette mais là force est de reconnaître que ça m'a mis un (tout petit) peu de plomb dans le crâne.

Au-delà de ça, Pierre Boulle produit également quelques chapitres très intenses comme par exemple le fameux discours ou les retrouvailles avec une vieille connaissance d'Ulysse. Le roman se lit très très vite. Comptez trois bonnes heures pour arriver à une conclusion qui ne laisse clairement pas indifférent. L'auteur ne tourne pas autour du pot, ne se perd pas en détails insignifiants dans les descriptions et va donc directement à l'essentiel. C'est aussi pour ça que se lit vite. Bref, "La planète des Singes" est une oeuvre majeure dans le paysage SF contemporain et cela on le doit à cet ouvrage de qualité. Un livre qui fait réfléchir autant qu'il invite au voyage. Que vous ayez vu les films ou non, prenez le temps de le lire. Ensuite, vous ne regarderez peut-être plus jamais un singe comme avant...