Ce livre est dense et complexe.
L'auteur nous permet de revivre et de comprendre les évolutions de la surveillance de l'écrit, qu'elle soit effectuée dans l'espace publique ou dans les sphères privées à l'aide d'un riche corpus de documents et d'archives.
Au début du XIXe sc. la population française se familiarise avec la lecture et l’écriture notamment grâce à l'école et à la fin du dispositif de contrôle des imprimeurs mis en place sous l'ancien régime. Cette période d'instabilité politique ou des régimes s'alternent, les murs de la capitale se voient recouverts de multiples inscriptions et affiches. Pour préserver l'ordre et développer un sentiment d'appartenance aux nouveaux gouvernements, la police va porter un intérêt croissant à ces messages publique (qu'ils soient insultant, religieux, diffamatoire, politique, etc.), car aussi étonnant que cela puisse paraître, le moindre graffiti provoquait un attroupement qui se transformait bien souvent en discussions véhémentes ; et dans de rare cas, quelques coups pouvaient être échangés. Toujours à travers le regard policier, l'historien Philippe Artières nous promène ensuite au sein les grands boulevards haussmaniens en constructions, nouvelles artères d'un paris suffocant, où les palissades des chantiers subissaient les assauts répété des colleurs d'affiches de la Commune. Puis nous rentrons dans l'intimes à travers l'analyse de nombreuses lettres de délations, d'appel à l'aide, de menaces (terroristes, meurtrières ou crapuleuses) et des désormais mythique lettres anonymes. Cette facette plus proche des individus nous montre qu'une véritable pratique écrite quotidienne est désormais ancrés dans la vie des français. Ce qui permet au livre de clore son étude en se mouvant à Lyon dans le premier atelier de police scientifique fondé par Edmond Locard en 1910. Pendant l'entre deux guerres, bénéficiant d'une grande renommée auprès de la population, Locard a tenté d'établir la graphologie (étude des particularités graphique de l'écriture individuée) comme une véritable discipline scientifique. Mais ses recherches vont être décrédibilisées par la démocratisation de la photographie et de ses procédés de reproduction. Son utilisation massive par tout les services de police et de renseignements, surtout pendant cette période funèbre où la surveillance des populations minoritaires et dissidentes était une priorité de l'État occupé, amorce le déplacement d'un monde de l'écrit vers un monde de l'image.
C'est sur ces constats et en ouvrant sur les bouleversements qu'ils entrainent que cet Essais nous laisse, l'esprit bien remplis d'une matière prompte à la réflexion et à l'analyse de notre monde actuel.
Le seul reproche qui pourrais être fais, c'est un corpus imagé très pauvre. Alors que l'on aurait apprécié quelques documents nous permettant de mieux nous figurer toutes ces descriptions (surtout qu'elle sont d'une grande précision), particulièrement pour ce qui est du Paris de 1800.
Cette étude sociale et historique est à mettre entre toutes les mains : aux graphistes, aux militant(e)s, aux historien(e)s, au policières/ers, au délinquant(e)s, aux philosophes, aux artisans, aux étudiant(e)s, aux ouvriers, etc. En effet, elle concerne une part de notre personne individuelle et collective primordiale ; qui doit être traité avec le plus grands soin. Surtout quand l'écriture constituante est malmenée par certains groupes madiatique/économique/industriels/politique et délaissée par tout un pan de la population. Car c'est un formidable objet d'émancipation, mais l'écriture peut rapidement devenir un instrument de contrôle des foules et c'est ce que démontre ici Philippe Artières ; même si il ne prends pas un positionnement critique et qu'il se contente de nous relater des faits.
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