J'ai du mal à analyser mes sentiments sur ce roman, je crois que je l'ai trouvé un poil trop long pour être percutant.
L'autrice concentre toute sa narration sur sa rencontre et sa relation avec Emerence, sa femme de ménage (mais la résumer à son métier est très réducteur). Personnage énigmatique, mythologique parfois, tout à la fois machiavélique et christique, acariâtre et généreux... la narratrice décortique le fil des évènements qui a mené à la catastrophe finale (mentionnée dès les premières lignes). On n'en saura pas plus avant deux centaines de pages, mais déjà la personnage d'Emerence nous hante.
Leur relation complexe faite de dévouement et de rabrouements permanents me perd parfois, elle me semble souvent irréaliste, mais Maga Szabo soigne particulièrement les descriptions psychologiques, assez pour que l'on se prenne au jeu.
L'écriture est très académique et soignée, certains passages (notamment les diatribes d'Emerence) sont très beaux : difficile de ne pas avoir d'empathie pour elle, malgré tout le soin qu'elle met à se rendre antipathique, tout le voisinage l'adore, au sens mythologique du terme. C'est un roman sur un personnage fascinant et souverain, qui a mis en pratique le pur don de soi, en refusant éloges, cadeaux, statut. Un personnage anarchiste sans le savoir, brillant à son corps défendant. C'est un personnage évanescent, qu'on a du mal à saisir au début... Elle a quelque chose d'irréel et en même temps une densité exceptionnel, à cause de sa cohérence. J'ai du mal à parler de cette lecture convenablement car elle laisse beaucoup de sentiments forts en soi, et c'est difficile de les exprimer sans les appauvrir. Si vous aimez les portraits psychologiques subtils et tortueux, alors ce roman est pour vous.