Etrange roman, qu'il m'aura fallu plusieurs mois pour lire ; j'ai pris mon temps, l'ai posé parfois plusieurs jours, sans que cela ne nuise à la lecture. Car globalement, il ne se passe pas grand chose dans ce récit d'une relation énigmatique entre une femme écrivain hongroise et sa femme de ménage (l'expression ne rendant pas justice à tout ce que représente Emerence dans le quotidien de la narratrice). Pourtant, ce récit est riche, habilement construit, très travaillé, il s'en dégage une vraie ambiance, quelque chose d'exotique d'une part (la Hongrie il y a quelques dizaines d'années), et de profondément humain donc universel d'autre part.
Le personnage d'Emerence, cette figure tutélaire d'un quartier très fermé, est hors du commun, a un caractère bien trempé et de petits secrets. On sent que le récit va virer au tragique, la narratrice nous y prépare... Mais le suspense n'est pas l'attrait principal du roman, ce qui en fait à mon avis un classique en puissance, ce sont ces deux portraits de femmes, cette relation si complexe de haine-amour, mais aussi l'avènement de nouveaux rapports de force, rapports sociaux, liens entre les gens, entre les voisins, dans un quartier.
Il se dégage au final de ce texte quelque chose de très féminin, intellectuel, fin et élaboré, la langue est travaillée. C'est un roman à découvrir et à apprécier comme une grande page de littérature.