C'est dommage car ça commençait vraiment pas mal ce petit roman d'initiation avec ce narrateur un peu baltringue à 22 ans qui se déclare poète et s'imagine grand intellectuel alors qu'il est juste un peu embarassé et particulièrement en chien. C'est plutôt bien écrit, avec un poil de prétention dans le lexique mais ça reste très supportable. Le texte se veut une sorte de chanson de geste, avec les aventures de "notre héros" Cyrille Bertrand. Les femmes, vues exclusivement à travers son regard, sont donc parfois un peu dépourvues de finesse mais c'est pas grave, ça tient quand même car c'est avant tout son regard d'homme qui se cherche qui nous intéresse.
Le problème c'est la suite qui part en politique avec un objectif majeur : pourfendre la bien-pensance de gauche. OK. Malheureusement quand on prend systématiquement le point de vue opposé des personnes qui proposent un niveau 0 de réflexion, on ne s'élève rarement au-dessus du niveau 1. Sans être carrément nauséabond, c'est juste petit. Les clichés s'enchaînent de chapitre en chapitre : un intellectuel à la BHL, déjà une caricature en lui-même, encore caricaturé de manière assez facile et surtout peu originale. Puis, un petit chef libéral qui applique la lourde sanction contre les libre-penseurs (les gens qui trouvent qu'il y a trop d'immigrés), un représentant syndical matrixé au trotskysme qui n'évite pas le grand remplacement dans son supermarché (au secours), et un bouquet quasi final avec l'invasion du Musée de la Littérature française par des blacks blocs indignés de tant de fachotteries qui vandalisent les lieux. Déjà ces polémiques sont rarement intéressantes dans la vraie vie, alors quand en plus elles sont inventées ça devient lourd. La fin est plus réussie quand notre héros rejoint un Netflix pour brasser de l'air, et bien sûr l'épilogue italien. Malheureusement trop peu pour sauver le livre, qui, s'il s'assume réac et c'en est son bon droit, s'égare dans le déclinisme culturel.
A trop considérer ses contemporains comme des abrutis ou au mieux des moutons, on en arrive finalement à révéler sa propre incapacité à écouter et à comprendre le monde que l'on habite.