Un bon gros pavé comme je les aime, lu en assez peu de temps en plein soleil, comme il se doit de ce genre de roman quasiment estival. Des qualités et des défauts. Commençons par les premières : un propos, des personnages attachants et vraisemblables, New York, l'histoire américaine dans une période particulièrement fertile, celle du Maccarthysme, suffisamment de rebondissements pour soutenir l'intérêt et je crois que j'ai fait le tour. Ça n'est pas si mal. Après, Douglas Kennedy n'est pas vraiment le genre d'écrivain pour lequel je ferais la queue devant une librairie. Parce qu'il me rappelle un peu Truman Capote - et peut-être que la comparaison lui ferait plaisir. C'est-à-dire que j'ai eu l'impression récurrente de surprendre une conversation entre deux commères maladivement bavardes, qui étalaient leurs impressions sur certaines de leurs connaissances qui, elles, avaient une vie. Il est au taquet sur le stream of consciousness, et aucune motivation des personnages ne nous échappe, mais justement, ce manque de flou s'avère parfois un peu trop littéral. Mais bon, une grosse saga comme ça, étalée sur des décennies, ça s'accommode de ce genre de narration efficace, sans poésie ni mystère. L'auteur est très en retrait et le narrateur fait son taf. Je ne fais pas la fine bouche, j'ai tout lu en peu de jours parce que le côté "chaque vie est un roman", ça fait toujours son petit effet. Le postulat, c'est qu'une personne âgée prise au hasard à un enterrement mérite d'être connue pour ce qu'elle a traversé, qui est à la fois unique et notre lot à tous. Qui ne s'interroge jamais sur la notion de destinée ? Kennedy tente une analyse de la posture la plus constructive face à ce gros merdier illisible qu'est une vie : rester ouvert à l'autre et faire de son mieux. Ma foi, ça n'est pas ridicule, au moins. Cela dit, le personnage de Kate, l'héroïne de la première et de la dernière partie, n'est pas spécialement aimable; elle nous ressemble probablement un peu trop. Quand elle perd sa mère, avec qui elle a eu des relations un peu inextricables - ça arrive à pas mal de monde - elle peine à faire correspondre ses émotions et ses pensées. Et puis elle est divorcée, et la tentation de rendre son ex responsable de son marasme est grande. Sans compter qu'elle a un petit garçon qu'elle adore mais sur lequel elle projette régulièrement ses soucis d'adulte. Voilà, c'est un modèle courant, qui résonne forcément avec au moins un aspect de n'importe quelle lectrice. Son frère est une larve, ça n'a rien de rare non plus. Son père un mirage. Bref, elle a de quoi rester tranquillement en surface des choses car rien dans sa vie n'attire vraiment l'attention. Jusqu'à la découverte de la véritable histoire de ses parents. Un postulat éculé mais efficace, en l'espèce, qui permet à une deuxième héroïne de prendre la parole et d'apporter un peu d'air frais dans ce tableau anaérobie. Bilan : rien de spectaculairement novateur, mais une histoire efficace et bien menée (dans une traduction non exempte de faiblesses...) qui ne démérite pas.