Après Les pêcheurs, son splendide premier roman, le nigérian Chigozie Obioma était très attendu, sur le mode : sera-t-il capable de faire aussi bien, voire encore mieux ? Déjà, il a construit avec La prière des oiseaux un récit original qui ne se contente pas de reprendre à l'identique les ingrédients et le style de son livre précédent. C'est un "chi", esprit protecteur, qui raconte, sous forme de plaidoirie, la vie tumultueuse de son "hôte" humain, tout en expliquant ce qu'est la cosmogonie igbo, en exprimant au passage une sagesse séculaire et en ironisant volontiers sur les faiblesses humaines. Cette façon de donner les clés du roman à un narrateur omniscient et néanmoins incapable d'influer sur le destin de son protégé fait tout le sel du livre bien que Obioma a parfois tendance à en rajouter et à multiplier les répétitions. Comme le chi le répète ad libitum : "Bien souvent, j'ai vu ça." L'ouvrage est tout à fait remarquable dans sa première partie, entièrement nigériane, avec une belle histoire d'amour entre un éleveur de volailles peu instruit et une étudiante en pharmacie issue d'une famille privilégiée. S'il y a une belle harmonie affective dans le premier tiers du livre, cela ne saurait durer et, comme dans Les pêcheurs, la descente aux enfers va advenir. Là, dans les mésaventures chypriotes de son héros malheureux, Obioma ne lésine pas sur les sanglots longs des violons du mélodrame qui nous préparent à la tragédie annoncée dès le début du roman. L'auteur orchestre la déchéance d'un homme spolié, trompé et abusé avec une maîtrise certaine mais peut-être aurait-il pu réduire un peu la logorrhée de son chi et resserrer son intrigue. Ceci pour trouver quelques reproches à faire quand même dans un ensemble addictif qui se lit comme un thriller sentimental et social et confirme le potentiel d'un écrivain passionnant qui n'a pas fini de faire parler de lui.

Cinephile-doux
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes livres de 2020

Créée

le 16 janv. 2020

Critique lue 477 fois

2 j'aime

1 commentaire

Cinephile-doux

Écrit par

Critique lue 477 fois

2
1

D'autres avis sur La Prière des oiseaux

La Prière des oiseaux
Cinephile-doux
7

Les sanglots longs d'un deshérité

Après Les pêcheurs, son splendide premier roman, le nigérian Chigozie Obioma était très attendu, sur le mode : sera-t-il capable de faire aussi bien, voire encore mieux ? Déjà, il a construit avec La...

le 16 janv. 2020

2 j'aime

1

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 28 mai 2022

79 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

79 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

72 j'aime

13