Après Les pêcheurs, son splendide premier roman, le nigérian Chigozie Obioma était très attendu, sur le mode : sera-t-il capable de faire aussi bien, voire encore mieux ? Déjà, il a construit avec La prière des oiseaux un récit original qui ne se contente pas de reprendre à l'identique les ingrédients et le style de son livre précédent. C'est un "chi", esprit protecteur, qui raconte, sous forme de plaidoirie, la vie tumultueuse de son "hôte" humain, tout en expliquant ce qu'est la cosmogonie igbo, en exprimant au passage une sagesse séculaire et en ironisant volontiers sur les faiblesses humaines. Cette façon de donner les clés du roman à un narrateur omniscient et néanmoins incapable d'influer sur le destin de son protégé fait tout le sel du livre bien que Obioma a parfois tendance à en rajouter et à multiplier les répétitions. Comme le chi le répète ad libitum : "Bien souvent, j'ai vu ça." L'ouvrage est tout à fait remarquable dans sa première partie, entièrement nigériane, avec une belle histoire d'amour entre un éleveur de volailles peu instruit et une étudiante en pharmacie issue d'une famille privilégiée. S'il y a une belle harmonie affective dans le premier tiers du livre, cela ne saurait durer et, comme dans Les pêcheurs, la descente aux enfers va advenir. Là, dans les mésaventures chypriotes de son héros malheureux, Obioma ne lésine pas sur les sanglots longs des violons du mélodrame qui nous préparent à la tragédie annoncée dès le début du roman. L'auteur orchestre la déchéance d'un homme spolié, trompé et abusé avec une maîtrise certaine mais peut-être aurait-il pu réduire un peu la logorrhée de son chi et resserrer son intrigue. Ceci pour trouver quelques reproches à faire quand même dans un ensemble addictif qui se lit comme un thriller sentimental et social et confirme le potentiel d'un écrivain passionnant qui n'a pas fini de faire parler de lui.