La Promesse de Damon Galgut, Booker Prize 2021, raconte l'histoire d'une famille blanche sud-africaine, les Swart, et de 4 enterrements en son sein, sur une période allant de 1986, soit 5 ans avant la fin de l'apartheid, à 2018. Le livre est divisé en 4 chapitres, en progressant au rythme d'une décennie à chaque fois, autour de la mort et des funérailles d'un des personnages. Ce qui frappe avant tout dans le roman, c'est son style, assez exigeant le temps de s'y habituer, mais fluide malgré l'absence de frontière entre les faits relatés et les pensées des différents protagonistes, rendus parfois à la première ou à la deuxième personne, comme si le narrateur était lui-même un membre de cette famille ou bien s'adressait directement au lecteur. La forme de La Promesse est fascinante et virtuose et le fond est puissant, la décadence des Swart et leur absence d'empathie, les uns par rapport aux autres autant qu'à ceux qui les entourent, symbolisant l'échec de la nation "Arc-en-Ciel", avec son racisme toujours prégnant, sa corruption endémique et sa violence effarante. Le diable est dans les détails du roman, dans les personnages principaux, d'un égoïsme forcené, mais aussi dans les "comparses", ceux qui ne font que passer et que Galgut suit parfois le temps de quelques pages avant de les abandonner car ils ne sont que périphériques à l'intrigue première. C'est un grand risque que d'écrire un ouvrage qui ne comporte que des individus peu sympathiques (y compris les représentants religieux vivement moqués), hormis, dans l'ombre, la bonne des Swart, femme noire au mieux tolérée, au pire méprisée, sorte de mauvaise conscience silencieuse du roman. La Promesse est le livre d'un grand auteur, ce que les lecteurs d'Un docteur irréprochable et de L'imposteur savaient déjà, mais qui semble ici doublé d'un témoin lucide et cinglant de l'évolution chaotique de son pays, lequel semble bien incapable de respecter la promesse datant de la libération de Mandela, d'aller vers l'égalité sociale et la paix dans le vivre ensemble.