A ma maman
Je ne serais pas qui je suis sans ma mère. Elle m'a porté à bout de bras pendant les 15 premières années de ma vie, dressée contre l'univers tout entier qui ne me voulait guère de bien. Contre mon...
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le 15 avr. 2018
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Les portraits dithyrambiques, les louanges bibliques, les personnes drapées de vertu, les personnages canonisables, les stéréotypes du héros à qui tout réussit, les parangons de la pugnacité qui accouchent d’une réussite sociale et financière à la sueur de leur front et surtout de leurs bonnes actions, tout ceci compose une solution buvable dont le moindre millilitre me parcourant l’œsophage me file une nausée immédiate, suivis de vomissements inépuisables.
Louis-Ferdinand Céline, grand cynique, immense plume, être humain lucide, disait que si l’on se laissait aller à aimer les gens gentils, la vie serait atroce. Je me demande si le docteur Destouches à lu le bouquin de Gary, et le cas échéant, je serais curieux de savoir son avis à propos du portrait biblique et excessivement élogieux que l’auteur né au cœur de l’actuelle Vilnius dresse de sa môman dans cette Promesse de l’Aube.
Ma maman elle fait taire tous les puissants de ce monde, ma maman elle intimide les rois et les empereurs dès qu’elle brandit sa canne, ma maman elle ne craint pas le Roi de Suède et elle n’hésite pas aller l’invectiver pour que je joue au tennis, ma maman elle combat l’injustice cigarette au bec et quand elle crie, on l’écoute ! Ma maman elle met la planète entière au pli sans forcer, ma maman elle a entonné l’appel du 18 juin un jour avant De Gaulle (il dit vraiment ça), ma maman vous lui donnez n’importe quel métier et elle s’en sort à merveille ! Ma maman elle génère l’oxygène présent sur cette planète, ma maman elle est responsable de la rotation de la Terre autour du Soleil, et attention ! Elle n’hésitera pas à enguirlander l’astre solaire si jamais celui-ci ne devait dévier ne serait-ce qu’un peu de son rôle de centre gravitationnel !! D’ailleurs, d’un coup de canne, elle parviendrait facilement à la mater, cette boule de gaz au centre du système qui porte son nom.
Voilà la substance de La Promesse de l’Aube, sur le fond. C’est lassant, c’est lourd, comme dit plus haut, ce genre de description aux éloges aussi infinies que superfétatoires me file la nausée. Les gens sont médiocres, personne n’est aussi vertueux et invincible que ça, tout le monde a des failles, les humains sont pleins d’aspérités. Gary est complètement à côté du réel. Pour un bon naturalisme, ma référence reste L’Assommoir de Zola, où la médiocrité humaine est parfaitement décrite. Je me demande ce que donnerait la moumoune de Gary dans l’univers des Rougon-Macquard…une bonne fessée délivrée par Gervaise et la pugnace Russe redescend sur terre, elle retrouve
l’univers crasseux des humains.
De plus, son parcours n’est même pas touchant, elle ne connaît que très peu la misère, de ce fait, il est impossible d’avoir de l’empathie pour elle. Elle passe son temps à fumer et à ouvrir sa grande bouche à propos de tout et n’importe quoi, et son ascension sociale se fait toujours par l’intermédiaire d’un gars sorti de nulle part, on lui offre même la direction d’un hôtel sur un plateau. Et évidemment, cette actrice de formation, reconvertie chapelière et revendeuse de produits de luxe au noir, parvient à assurer la gestion de l’hôtel ET du restaurant en quelques secondes. Je ne peux avoir que de l’antipathie pour ce genre de superhumains à la science infuse.
Outre ce fond qui me fait alterner entre soupirs de lassitude et effusions de vomi, je dois reconnaitre que la forme est très plaisante. Gary est un très bon écrivain, on éprouve du plaisir à le lire lorsqu’il parle de tout et de n’importe quoi. Ses anecdotes sont toujours très bien formulées, et la seule ombre au tableau demeure l’éloge incessante de sa mère qu’il définit comme régente du Cosmos à chaque action anodine. Son passage sur ses premiers pas au tennis, avec la description de la main divine qui viendrait sauver miraculeusement un profane qui s’essaye à une activité contre un aguerri est délicieuse. C’est d’ailleurs paradoxal d’avoir autant de lucidité sur la dureté de la vie et de passer les trois quarts du roman à décrire sa mère comme l’inexorable horloger de l’Univers qui dicte les lois cosmiques de chaque entité biologique, tout en fumant des cigarettes et en invectivant les puissants de ce monde.
Mitigé, donc, plaisant sur la forme mais extrêmement barbant sur le fond.
Créée
le 3 sept. 2022
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