Un contexte très Cornélien, des personnages forts, un écrivain à la profondeur psychologique exceptionnelle : tout est très bon, même si l’ennui a pu me prendre dans le premier tiers. Belle histoire d’un prince qui comme dans l’image qu’on se fait des contes, préfère la fille belle, mais de basse extraction passionnée, à la mocheté intelligente, meilleure analyste (conflit de deux types de femmes que j’ai retrouvé aussi bien dans les jeunes filles que dans celles qu’on prend dans ses bras). Le Roi, malgré la sympathie qu’il éprouve pour l’agréable sincérité de la jeune fille, décide de la mettre à mort, pour l’intérêt du royaume. En parlant de sincérité, comme parfois d’ailleurs chez Montherlant, les personnages féminins, contrairement aux accusations portées à l’auteur, sont capables de hauteur, de noblesse, et ne sont pas juste des proies ; par exemple, il me semble que c’est l’amante du Prince qui, face à la peur de celui-ci devant son père, annonce au roi qu’elle est enceinte.
J’ai bien aimé le débat qui secoue le Prince, forcément tiraillé entre la passion et son devoir ; c’est un peu le choix du libéral (je fais ce que je veux), contre le républicain (je fais ce que je dois pour la collectivité) : un éternel questionnement, mais dont la dimension est décuplée à une époque où ce dilemme ne se pose même plus, le choix libéral semblant désormais inscrit dans les gênes de la société contemporaine.
Mais c’est surtout le personnage du Roi que je trouve marquant ; il illustre parfaitement l’angoisse qu’on peut ressentir à l’idée de l’enfantement : l’angoisse d’être déçu par un fils qu’on n’estime pas à sa hauteur, faible la hantise de la dégénérescence.
On trouve donc, avec la finesse psychologique des personnages dans leurs relations sentimentales (qui suffit en soi), une assez belle substance pour tout un tas de réflexions sur la politique ou la paternité, ou encore la sincérité face à l’autorité.