Ne nous leurrons pas : La Rose de saphir, troisième et dernier volume de La Trilogie des Joyaux, ne supplante guère ses deux aînés. S’inscrivant dans leur droite lignée, elle reproduit avec constance et cohérence leurs forces et faiblesses, gagnant par voie de fait la sympathie non-feinte d’un lecteur… jamais pris au dépourvu.
En sa qualité de tomber de rideau, encore que la future triplette « Tamoule » le contredise quelque peu, le roman s’adjuge un supplément d’incertitude bienvenue (mais toute relative), car notamment corrélé au cheminement à suivre : si les jalons tombaient sous le sens (Chylleros puis Martel et ses séides, enfin Azash), la façon dont la paire Eddings procéderait pouvait poser question. Le siège de la ville sainte est ainsi plutôt inattendu, élément perturbateur gentillet rougissant néanmoins de la comparaison avec les jeux de pouvoirs à l’œuvre, véritable fond de l’affaire.
Suspendu aux piques verbales et coups retors de patriarches malicieux, le premier tiers de l’intrigue se veut savoureux sans recourir (nécessairement) aux joutes martiales. Deux problèmes émergeront malheureusement très vite : le premier, chronique de son état, découle du désamorçage systématique des nombreux éléments perturbateurs introduits par La Rose de saphir (et plus largement La Trilogie). Guère de danger en tant que tel donc, d’autant que le second point a trait au délitement palpable de la menace qu’incarne Annias : guère crédible dans son rôle de pion religieux, celui-ci participe à l’amoindrissement des prétentions « palpitantes » de l’œuvre, d’autant qu’Émouchet n’aura de cesse de dominer la majorité des échanges.
L’assaut donné par les troupes de Martel fera également chou blanc, les allers et retours au sein de la basilique accaparant notre attention jusqu’à que la providence (encore elle) libère Chylleros de ses oppresseurs. Paradoxalement, n’en déplaise à ce soupçon de monotonie dans la résolution, La Rose de saphir demeure plaisante tant elle maintient le cap sans accrocs, suscitant par la même occasion l’irrépressible envie de partager la satisfaction d’un Émouchet triomphant de tous ses ignobles adversaires… qu’ils soient mortels ou non.
S’ensuit le voyage de ce dernier et ses compagnons vers Zémoch, fief d’Otha et refuge pour les cibles du Pandion. Si nous pourrions débattre de la longueur ou l’âpreté de ce périple sans embûches significatives, la résolution que va nous livrer la cité maudite va nettement retenir notre attention : d’abord parce que les Eddings parviennent à conclure en un tour de main toutes leurs sous-intrigues (ou presque), marquées du sceau de trépas en pagaille… dont le seul Martel tirera vraiment son épingle du jeu. Ensuite car, faute d’une adversité à la hauteur, le devenir du fidèle Kurik paraît aussi forcé qu’indispensable : s’agissait-il pour autant du seul véritable ressort dont les auteurs disposaient pour malmener Émouchet ? Compte tenu du développement et de l’importance de son écuyer, sans omettre de nombreux éléments de discours confinant au prévisible, cela est fort possible…
M’enfin, dans la veine des points abordés plus haut, La Rose de saphir ne fait que prolonger en toute logique les fondations du Trône de Diamant et du Chevalier de Rubis. Une façon de parachever les atouts et limites d’une trilogie plaisante à n’en point douter, mais aucunement transcendante… à moins que les Périls à venir ne rebattent les cartes ?