Cavaliers et prisonniers, matière et mémoire. Chef d'œuvre.
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le 17 janv. 2013
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J'ai mis longtemps à finir La route des Flandres ; je n'ai pas aimé le lire, mais j'adore l'avoir lu ! Il est très frustrant pour moi de ne pas être arrivé à l'apprécier plus, et à m'y investir plus, alors que ce roman est un des plus remarquables que j'ai lu.
Il n'y a pas vraiment d'intrigue (George revit, dans le désordre, ses souvenirs de guerre ; obsédé par la mort faussement accidentelle de son cousin éloigné, le capitaine de Reixach, il ressasse les conditions qui l'ont mené à son suicide assisté, le compare à son ancêtre qui se serait lui-aussi suicidé dans des conditions similaires ; revenant sur des détails, sur ce qui s'est passé ou aurait pu se passer, tout en traversant des paysages de guerre qu'on peut résumer à une entropie dans toutes les directions de ce qui est vivant, mort , ou inanimée, le temps lui-même se figeant ou faisant des boucles sur ces évènements) mais ce roman est instructif d'un point de vue littéraire. La ponctuation disparait puis réapparait, en général sous forme de virgules ; les points sont rares, les phrases sont longues, des parenthèses restent ouvertes suffisamment longtemps pour oublier qu'il s'agissait d'une parenthèse, avec des incises dans des incises dans des incises. Cela peut porter à confusion si l'on n'est pas attentif. Et du fait des phrases longues, du rythme monotone, et du contenu en grande partie descriptif du texte, j'ai eu du mal à garder toute mon attention dessus. C'est un tort car il y a des choses admirables, même en dehors des caractéristiques techniques de la prose et de la ponctuation ; l'auteur s'exprime avec un style élégant mais aussi comique lorsqu'il souligne le côté pathétique des personnages et de leur situation. J'ai beaucoup apprécié la manière dont le narrateur ou le protagoniste transitionne d'une époque à l'autre dans l'évocation confuse et mélangée de sa mémoire, passant d'un souvenir à l'autre fluidement et sans transition, au cours de la même phrase et en l'espace de quelques lignes ; le parallèle tracé entre le capitaine de Reixach et son lointain ancêtre, la manière dont l'auteur parle de plusieurs choses en même temps, tout est bien construit, bien écrit, et le sujet (débâcle de 1940) est digne d'intérêt.
Claude Simon ne voulait pas écrire un roman mais une oeuvre d'art littéraire, et de ce point de vue c'est une réussite. Attention toutefois, si vous cherchez un roman plus romanesque, la lecture s'annonce difficile – non du fait de la compréhension du texte (on s'habitue vite au style) mais du fait de l'(anti-)intrigue qui peut revêtir un caractère fastidieux (et l'ennui est peut-être le but ; certaines scènes se répètent trois ou quatre fois au cours du roman, parfois sous un angle légèrement différent, de manière à créer cette impression de ressasser encore et encore les mêmes pensées, qui tournent en boucle lorsqu'on a de la fièvre, ou qui "s'enroulent sur elles-mêmes" comme dirait Stephen Zweig, sans qu'on puisse les arrêter. L'effet est réussi, et c'est justement ce qui le rend désagréable).
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le 22 févr. 2017
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