Parfois on a l’impression qu’il faut être dans les bonnes conditions pour lire et apprécier en profondeur un texte, se laisser envahir par les émotions que sa lecture procure. Au calme, sans interruption et bien installé, dans l’humeur adéquate. La Route du Retour bat en brèche cette théorie et montre que les très grands romans ne tiennent pas compte de nos dispositions. Façonnées dans ces pages puissantes et magistrales, les idées et les émotions, sans se soucier de notre environnement, envahissent d’une seule traite nos cœurs et esprits. Alors les mots fusionnent en nous pour nous transformer.
Car le livre de Jim Harrison a la très rare force de créer lui-même les conditions nécessaires à son propre dépassement. Hors du texte, comme muent pas une volonté propre et impérieuse, se répandent les histoires de fuite vers ses origines de Nesle, d’amour au-delà des âges de Paul et Naomi, de vision du monde aussi réduite que merveilleuse de Lundquist et d’adieu avant la fin de Dalva et de Big Jim. Avec une énergie sans pareil et quel que soit l’état dans lequel elles nous trouvent, leurs pensées et aventures nous submergent. Elles effacent immédiatement nos réflexions mesquines et renversent nos peurs qui semblent ridicules devant elles.
Et de bouleverser notre monde au passage. Maintenant tout est sens-dessus dessous dans ma tête, dans mon cœur et dans mon âme. Mais j’ai confiance. Car c’est sa force à Jim; écrire sur nous tous.tes, sur nos esprits qui s’enfuient et nous échappent toujours, sur la mort qui nous attrape tous.tes avant l’heure. Et pourtant nous donner furieusement envie de vivre. A la fin on pleure un moment puis on se lève et on prend les gens dans ses bras. Seule la terre perdure, alors haut les cœurs les ami.e.s.