Premièrement, il y a un plaisir manifeste à replonger dans cet âge d'or de l'intelligentsia française. Si nul ne fut prophète en son université, forçant donc à migrer au Collège de France, il s'installe une nostalgie réelle ou fantasmée - en lisant ce livre en 2015 - à penser à cette période où ces intellectuels étaient ceux qui étaient écoutés, lus, commentés. En démarrant son livre à l'accident de Barthes (prononcez Bartaisse si comme Sarkozy vous méprisez les intellectuels), Laurent Binet saisit également le moment où cette émulation intellectuelle commence son déclin. Après Barthes ce sera Lacan, puis Foucault, Deleuze qui mourront dans les années suivantes, nous laissant seuls avec BHL.
L'amour de Binet pour ces gens - et le monde universitaire en général - est joyeusement palpable au travers de l'humour décapant rendant ainsi tant hommage qu'une critique juste.
Puis, passée la première partie du livre, viennent doutes. Le style ne semble pas à la hauteur, les situations se répètent avec de grosses ficelles, les personnages s'enfoncent dans les caricatures... Mais faut-il y voir les faiblesses du livre ou sa force ? En effet, l'objectif n'est-il pas en les exagérant de faire ressortir les caractéristiques et de tourner en dérision le polar et ainsi de copier le fonctionnement de la science sémiologique ? Barthes disait d'ailleurs dans Mythologies qu'il avait recours à l'exagération pour mettre en évidence les lignes de forces des représentation symboliques des signes.
De la même façon se pose la question du format, avec un humour qui peut sembler trop millimétré dans sa récurrence dans le texte, un récit qui s'étire et un cheminement trop classique. Bref, se jouer des codes du polar devait-il se faire par un roman ? Peut-être pas mais le roman n'est-il pas le format obligatoire pour rendre hommage à Barthes ?