Red is dead
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Tel est le *leitmotiv* lancinant, pied de nez aux élites masculines en *mock latin* ironique qui habite cette oeuvre magistrale sur la condition féminine dans une Amérique totalitaire patriarcale. Une dystopie coup de poing qui nous emmène dans le quotidien et la psychologie de *De*fred, une jeune femme réduite à l'état de *ventre sur pattes* pour le Commandant Fred Waterford et son épouse, comme ses consœurs. Et ce, dans le but de repeupler un pays en proie à la dénatalité massive due à la pollution écologique qui stérilise sa population, hommes comme femmes [attention spoilers].
Par où pourrais-je commencer, tant ce livre fourmille de représentations ? Je serai relativement brève et concise, bien qu'il en faudrait bien plus pour tout dire. Tout d'abord, la lecture de l'oeuvre de Margaret Atwood m'a frappé à la fois par son réalisme et la richesse de son symbolisme, pour lequel un mémoire ne suffirait pas. Il faut avant tout rappeler que l'auteure, qui l'a déjà elle-même plusieurs fois dit en interview, n'a fait que puiser dans l'histoire de l'humanité [1]. Ainsi, chaque torture, chaque humiliation, chaque vice, réalisé dans ce régime totalitaire n'est autre qu'un fait historique déjà produit dans notre monde par le passé. Et cette image, glaçante, est représentative de ce qu'on peut y lire. Les femmes y sont en effet catégorisées comme des animaux: Servantes, Econofemmes, Marthas, Tantes, dans une hiérarchie pyramidale qui ne leur laisse que, comme seule perspective réjouissante, la chance de devenir une Épouse aux côtés du Commandant. À l'inverse, les femmes dites *rebelles*, donc inclassables, se retrouvent parquées dans des Colonies pour y trier des déchets hautement toxiques et mourir d'une mort lente et solitaire. Autrement dit, la femme *n'est plus*, dans cette société, qu'un objet. Un objet rangé par couleur: **rouge** pour les Servantes, visibles pour leur fonction reproductive, **brun** pour les Marthas, camouflées parmi les meubles pour leur fonction domestique et **vert** pour les Épouses, plantes vertes pour leur fonction figurative auprès du Commandant. Ce sont, ainsi, les seules couleurs véritables qui détonnent du paysage de l'oeuvre, comme tout droit sorties d'un tableau de Vermeer. Un paysage par ailleurs autrement représenté par une épuration totale de la société de consommation capitaliste d'antan: les magasins alimentaires sont renommés sous des enseignes génériques (*Tout viandes*, par exemple) et les autres sont détruits, comme les Universités ou les Eglises, dont les connaissances et les croyances sont devenues douteuses et dangereuses pour le nouveau régime sectaire. Une grimace face à la montée terroriste de ces dernières années qui nous fait réfléchir sur notre propre monde, pas si lointain finalement de cet avenir régressif. On comprend alors très vite pourquoi ce livre, chef-d'oeuvre pourtant publié en 1985 (période elle-même symbolique), résonne encore aujourd'hui et est devenu un porte-étendard du mouvement féministe actuel dans les manifestations face au gouvernement de Trump et d'autres encore dans le monde. Adaptée à la télévision par Bruce Miller, au moment de l'élection du président américain (!), l'oeuvre a en effet connu un regain de popularité légitime. Son homologue télévisuelle fait la part belle à l'image et à l'écriture du livre, dont la symbolique aide grandement, et je la recommande donc vivement. Ainsi, la tenue rouge se fait visible non plus *au détriment de* mais *au profit de* ces femmes qui se battent pour leurs droits. J'ai juste envie de dire: on attend **Les Testaments** avec impatience et surtout, Ne laissez pas les salopards vous écraser, les meufs.
[1] : http://www.slate.fr/story/149541/pourquoi-servante-ecarlate-fait-peur
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Créée
le 9 sept. 2019
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