La société contre l'Etat est un essai qui s'attache à regarder la nécessité de l'appareil gouvernemental à travers le prisme de sociétés dite primitives, celles d'Amérique du Sud notamment.
Dans un premier chapitre fort bien tourné l'auteur montre comment notre perception est biaisée par le mépris que nous avons à l'égard de ces sociétés, justement à cause de cette absence de gouvernement.
Les chapitres suivants décrivent de manière assez exhaustive les aspects de la vie tribale : polygynie, sexualisation des tâches, taille des habitations, interprétation des mythes, bellicisme forcené...
Outre une estimation sur le nombre d'indiens disparus durant la conquête (autour de 40 millions tout de même principalement massacrés par les maladies européennes), deux points retiennent principalement l'attention : tout d'abord l'oisiveté de la vie indienne, en effet pour beaucoup de populations sédentaires, la culture facile de plantes locales permettaient aux indiens de vivre assez tranquillement, c'est donc une certaine vision de la difficile survie primitive qui est balayée ; ensuite, c'est l'absence d'autorité du chef en temps de paix qui est principalement mise en avant.
Le première permet à l'auteur de découpler le lien entre abondance et société de domination, la seconde rejette la nécessité de cette même société de domination, en effet, le chef n'a de chef que le nom, il peut juste parler voir négocier, mais à aucun moment, une quelconque forme d'obéissance n'est attendue du reste de la tribu.
L'hypothèse de P Clastres est intéressante car elle démontre que des systèmes dénués de tout appareil répressif sont tout à fait viables, si l'idée devait paraître saugrenue à l'époque, elle est déjà plus communément admise aujourd'hui, l'émergence de communautés isolationnistes l'en atteste. Envisager un monde exempt de système (quel qu'en soit la nature capitaliste privé ou d'état) est naturellement séduisant, mais, à mon avis, ce serait faire l'impasse sur le probable unique outil qui puisse régler le seul véritable problème mondial : l'environnement, considération qui a échappé à l'auteur à son époque...