Arrivés à la onzième station du chemin de croix de Harry Hole, génial enquêteur obsessionnel, alcoolique et instable, que nous reste-t-il donc à écrire sur la créature démente créée par Jo Nesbø, et sur ses labyrinthes magistralement agencés dans lesquels il se débat ?
Après plusieurs fausses fins, et donc résurrections assez invraisemblables, il faut l'admettre, de Harry, celui-ci a donc trouvé une sorte d'improbable bonheur, à peine voilé par le fait que, Nesbø vieillissant, il regrette le rock indie de sa jeunesse et ne trouve plus aussi facilement satisfaction dans la musique actuelle. Bien sûr, ni les serial killers, qui abondent visiblement en Norvège, ni les ex-collègues et ex-adversaires professionnels de Harry, ni même la redoutable bouteille de James Bean ne laisseront longtemps notre pré-retraité tranquille, et nous voilà repartis pour un nouveau tour de montagnes russes... qui se sera avéré, avouons-le sans honte, parfaitement satisfaisant.
Comme si l'inspiration de Nesbø, à la différence de la grande majorité de ses collègues auteurs de "polars de gare" (terme datant de l'époque où les gens lisaient encore dans les trains... ou les avions...), était littéralement intarissable. Oh, on connait désormais la technique de Nesbø, cette narration manipulatrice, faite de faux semblants, de leurres qui font dérailler notre compréhension à des moments critiques, et de portraits complexes de personnages qui ne sont jamais réduits à des stéréotypes comme chez la concurrence, et ces incroyables histoires à double fond, où rien ne semble jamais résolu, où il y a toujours une autre vérité derrière celle qui vient de nous être révélée...
Mais bon sang, ça fonctionne toujours aussi bien, mieux encore peut-être qu'avant car ici, l'histoire est tellement brillante et la construction tellement efficace que Nesbø n'a même pas besoin d'avoir recours à son vieux truc - manipulateur et artificiel - de nous "retirer" finalement des pensées de Harry pour créer un effet de surprise. Même si l'on peut juger qu'il abuse toujours un peu trop de ces fausses pistes créées par des double sens dans sa narration, il faut bien reconnaître que sa maîtrise est incomparable dans le domaine désormais un peu stéréotypé du polar scandinave. Et que "la Soif" vient se placer parmi les tous meilleurs livres de la saga Harry Hole.
A ta santé, Harry, à ta santé, Jo !
[Critique écrite en 2019]