Ayant découvert la saga tardivement, je n'ai pas lu l'intégralité des romans mettant en scène Harry Hole, le héros imaginé par Jo Nesbo. J'en ai lu précisément la moitié (6 sur 12), pas forcément dans l'ordre chronologique, et plutôt parmi les plus anciens.
La lecture de "La soif", onzième volet des aventures du flic norvégien, constituait donc un flash forward de plusieurs années. J'ai eu la surprise de retrouver un Harry Hole apaisé et même heureux, vivant désormais en ménage avec Rakel et enseignant à l'école de police, loin des enquêtes de terrain.
Mais vous vous en doutez, le bon Harry ne va tarder à replonger dans le grand bain des meurtres sordides et des tourments intérieurs, à la poursuite d'un "vampiriste" s'abreuvant du sang de ses victimes.
Jo Nesbo se montre toujours très doué pour bâtir une intrigue complexe et manipulatrice, riche en rebondissements et peuplée de personnages louches et intrigants.
Mais j'ai trouvé que la subtilité et l'originalité des débuts s'étaient un peu perdues en chemin, à force de multiplier les bouquins.
"La soif" comporte en effet de nombreux clichés (à l'image de l'éternel serial killer ultraviolent, qui a évidemment un compte personnel à régler avec le héros), et quelques facilités narratives auxquelles l'auteur ne nous avait pas habitué.
De même, la crédibilité psychologique - qui a souvent fait la force des polars de Nesbo - n'est plus forcément au rendez-vous : la résolution finale de "La soif" laisse apparaître à cet égard certaines incohérences, et un déficit global de vraisemblance.
Certes, il s'agit d'une fiction et d'un divertissement, et il serait absurde d'attendre une rigoureuse authenticité des situations et des comportements.
Et puis Jo Nesbo se révèle toujours très inspiré pour gérer l'évolution et la psychologie de son héros marginal, ce qui fait de la saga l'une des meilleures dans le registre du polar métaphysique : le lecteur partage ainsi les pensées, les espoirs ainsi que les doutes et les démons intérieurs de ce personnage cabossé et rock 'n roll.
De sorte qu'on passe une nouvelle fois un très bon moment en compagnie de l'attachant Harry Hole, ses quelques proches (Rakel, Oleg, Katrine, Oystein...) et ses nombreux ennemis.
Si "La soif" reste un thriller haletant qui se dévore avec plaisir, il ne s'agit clairement pas du meilleur roman de la saga, d'autant que le prolixe Nesbo cède à nouveau à son pêché mignon (plus de 600 pages, lestées de quelques longueurs).