Décidément, je ne suis pas touchée par le verbe d'André Gide. Il tend au superbe et dépeint avec lyrisme et spiritualité des relations sentimentales quasi mystiques et élevées. Je me sens terriblement prosaïque dans ces moments-là. Non pas que je sois incapable de reconnaître la beauté de l'absolu dans l'amour mais simplement parce que cela éloigne de moi, pauvre mortel, les protagonistes qui éprouvent ces émotions.
La narrateur, un pasteur, recueille chez lui Gertrude, une jeune femme aveugle couverte de crasse et analphabète, à la suite du décès dans l'isolement de sa seule parente. Bien que sa femme torde le nez (la suite lui donnera raison), le pasteur s'attelle à sortir cette "enfant sauvage", enfant de Dieu, de sa misère sociale et intellectuelle. Il s'implique tellement dans son rôle de mentor que tel Pygmalion, il s'éprend de son élève. Sa Galatée lui renvoie une image de pureté si intense qu'il est d'abord dans le déni quant aux sentiments qu'elle lui inspire et qui va contre tout ce en quoi il croit et qu'il prêche. Le cas de conscience n'est pas loin, surtout quand il écarte sous de faux prétextes un prétendant de Gertrude.
Le style est beau, j'en conviens mais sa plastique ne le rend pas attachant. Le récit est émouvant, surtout vers le dénouement, de mon point de vue, et sans doute qu'il aurait mérité plus de développements. Le roman est court, abouti mais laisse une impression de fugacité qui nuit aux amours qu'il narre.