Tissé sur un évènement à priori léger (un professeur d'université est accusé de racisme pour une phrase sujette à interprétation et va se voir acculé à la démission) le roman de Roth constitue une base, un prétexte, pour un foisonnement qui semble infini d'idées, de trouvailles, ou de réflexions brillantes.
Comme peu d'écrivain de sa génération (je suis loin d'avoir tout lu, hein, entendons-nous - et je connais que Banks qui ait cette faculté d'analyser si profondément et si justement chaque situation, expliquer chaque comportement qui nous rappelle forcément les nôtres, à un moment ou à un autre -), Roth tire de chaque expérience racontée, de chaque destin dessiné, des pages entières de plongées vertigineuses dans la psychés de gens aussi dissemblables qu'un vieux professeur ancien doyen de l'université proche de la retraite, une femme de chambre illettrée deux fois moins âgée, un vétéran du Vietnam coupé du monde, ou encore une française parti refaire sa vie aux états-unis (quelques pages magnifiques sur les motivations profondes de ce départ).
Il jongle entre les moments forts de ces quelques vies, revient sur leur passé pour explorer les failles, dévoiler les sensibilités successives de chacun, avec un maîtrise confondante.
Alors certes, il y a bien un moment ou deux dans le court du récit où on se sent un peu perdu, où on tente de reprendre un fil un moment coupé. Ce n'est que pour mieux retomber sur nos pattes de lecteurs finalement comblés, car ce ne sera ni dans le secret dévoilé ni dans l'épilogue réussi que se joueront les enjeux de ce livre dense. Mais bien, tout au long de cette pluie ininterrompue d'idées sur la vie, sur nos vies, celles qui pourraient être ou seront un jour, dans le corps même du roman, tout au long de ses pages.
Une réflexion forte et intense sur la place de chacun dans une société (forcément ?) étrange, cadenassée, formalisée et régulatrice.
Philip Roth aime les trajectoires à part.
Ceci en est une, lumineuse dans la forme, sombre comme l'âme dans le fond.