Cet ouvrage contient cinq essais portant sur la conception qu'a Habermas de l'agir instrumental ou stratégique (souvent appelé "activité rationnelle par rapport à une fin"), et sur la nécessité, face à ce type d'agir, de rétablir des activités communicationnelles, dans lesquels les sujets puissent interagir ensemble, chercher à se comprendre par le biais du langage, pour instituer des normes communes.
Les trois premiers essais (dont le premier, le plus long, donne son nom à l'oeuvre) sont assez proches, voire parfois répétitifs, dans leur contenu. Après avoir montré que la technique moderne, dont le progrès a mis à mal les idéologies du passé, pouvait donner lieu à une nouvelle idéologie dans sa tendance technocratique à considérer que tout débat politique devenait stérile, Habermas s'interroge sur la manière dont les nouvelles connaissances scientifico-techniques pouvaient être traduites dans un langage ordinaire susceptible d'être manié par l'opinion publique. A cette question, il ne semble pas fournir de réponse précise, pas plus qu'à la question, centrale dans le troisième texte, du type de relations que doivent entretenir expertise technique et décision politique. Si Habermas refuse à la fois le technocratisme et le décisionnisme, sa thématisation d'une communauté politique qui redéfinirait ses intérêts à la lumière des acquis techniques disponibles, et d'un progrès technique qui s'orienterait différemment selon de tels intérêts, reste assez vague.
Le quatrième texte, "Connaissance et intérêt", s'appuie sur le constat husserlien du rejet de l'idée de la "théorie pure" dans la science moderne. Si les reproches d'Habermas à l'encontre d'Husserl semblent assez rapides et peu convaincants, le texte parvient à distinguer trois formes d'intérêt dont la philosophie doit reconnaître la légitime présence à travers trois types de sciences.
Le dernier texte, "Travail et interaction. Remarques sur la philosophie de l'esprit de Hegel à Iéna", est le plus difficile de l'oeuvre, Habermas commentant la manière dont Hegel, dans des textes de jeunesse, s'oppose à la conception kantienne du sujet transcendantal. Après avoir distingué trois milieux (famille, travail, langage) dans lesquels la conscience se constituait, Habermas commente le lien entre ces différents milieux, notamment celui entre le domaine du travail, lieu de l'agir instrumental, et celui de l'interaction familiale. A cela s'ajoute une indication des raisons pour lesquelles cette tripartition aurait été mise de côté dans les textes ultérieurs de Hegel. Cet essai est à la fois d'un grand intérêt du point de vue de l'histoire de la philosophie, et de la manière dont la philosophie de Habermas s'y rapporte.
Habermas s'exprime d'une manière précise, souvent technique, nullement jargonneuse, mais sans se soucier d'expliquer suffisamment les concepts qu'il discute pour que son propos soit accessible au grand public. L'oeuvre contient de multiples références à l'histoire de la philosophie et reste donc conseillée à des connaisseurs.