Ode à la vie
Après avoir terminé Si c'est un homme, j'étais à la fois profondément satisfait (de ma lecture) et terriblement frustré : je voulais savoir la suite ! En effet, dans son premier livre, Primo Levi...
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Après avoir terminé Si c'est un homme, j'étais à la fois profondément satisfait (de ma lecture) et terriblement frustré : je voulais savoir la suite ! En effet, dans son premier livre, Primo Levi arrête son histoire à la libération du camp de Monowitz par les Russes. C'est un point d'arrêt judicieusement choisi (et pertinent), mais tout le monde est toujours en train de mourir, personne n'a encore été évacué et, surtout, l'Italie natale de l'auteur semble toujours aussi loin. Bref, en un mot comme en cent, on s'interroge sur le voyage du retour. Alors en 1963, soit 16 ans après la première publication de Si c'est un homme, Primo Levi répond à ces interrogations dans un récit exceptionnel.
L'histoire de La Trêve se déroulera donc de la libération du camp par les Russes jusqu'au retour en Italie. Un voyage de plus de dix mois, tout simplement passionnant. Ce qui est de prime abord impressionnant, c'est encore une fois l'authenticité qui ressort du style de Levi. Il raconte comme s'il y était encore, mais toujours avec cet air détaché, cette volonté de réalité objective, de témoignage et non de jugement, magnifiant une fois de plus son œuvre.
Mais la chose la plus remarquable de La Trêve, c'est bien le voyage au sein d'une terre dévastée par la guerre, aux côtés de personnages qui redécouvrent les joies simples de la vie, voire qui se remettent à vivre, tout simplement. Ainsi, le début du livre est assez sombre. Primo Levi reste encore plusieurs jours parmi les mourants, les Russes évacuant les hommes petit à petit. Puis les premiers transferts se font dans la douleur et la maladie. Il fait froid, et les gens meurent en tentant de rentrer chez eux. On pense alors que ce voyage de retour va être une énième torture, une ultime épreuve.
Et puis Levi finit par faire connaissance d'un Grec. À eux deux, ils rejoignent le camp de Katowice, dressé par des Russes, où tout le monde vit libre, en paix et en bonne santé, aux abords d'une ville dévastée par la guerre. C'est le début de la trêve annoncée. C'est alors que l'auteur va rencontrer toute une palanquée de personnages incroyables, à l'image de Cesare, Italien plus que débrouillard et ne tenant jamais en place, qui accompagnera à partir de là la quasi totalité du récit.
Mais la vraie trêve n'arrive que le 8 mai 1945, lorsque la guerre se termine. L'explosion de joie et de vie qui se produit alors est juste sensationnelle, et m'aura à plusieurs reprises presque mis les larmes aux yeux. Ces gens qui ont tout perdu, qui n'ont plus rien, et qui sont pourtant tellement heureux. La narration parfaite de Levi porte à merveille ce propos, à tel point qu'il donne presque envie d'y être, pour siroter de la vodka avec les Russes et les Polonaises dans un champ soviétique, sous la pleine lune de l'été naissant.
Mais le voyage ne se termine pas avec la guerre, et le roman nous réserve encore de nombreuses péripéties qui, les unes après les autres, participeront au retour progressif à la vie des Italiens. Plaisir de la solitude, plaisir de manger un poulet grillé, plaisir des promenades en forêt, des nuits d'été à la belle étoile ou encore du bain. Si j'ai déjà régulièrement envie de me balader en forêt quand je dépéris dans le métro au milieu des gens et de la pollution, Primo Levi a réussi à rendre la souffrance insupportable, tant l'envie de partager son euphorie des plaisirs simples et naturels me submergeait parfois.
La suite de Si c'est un homme est donc une véritable ode à la vie. Ancrée dans l'espoir, elle forme avec son prédécesseur un diptyque exceptionnel, un diptyque qui raconte une histoire dans laquelle se côtoient le pire et le meilleur de l'être humain ; un témoignage incroyable de bout en bout, porté par une écriture toujours aussi fine et intelligente. Si l'on ressort de Si c'est un homme effaré, on sortira de la Trêve le sourire aux lèvres. Et pourtant, il s'agit de la même histoire. Un immanquable, à lire impérativement si vous aviez apprécié son prédécesseur. Et si vous n'avez encore lu ni l'un ni l'autre, vous savez ce qu'il vous reste à faire.
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le 12 avr. 2015
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