La Tristesse du Samouraï par BibliOrnitho
En Espagne en 1941. La guerre civile est terminée mais son ombre rode toujours et hante encore les esprits. Franco est au pouvoir, tout puissant. Il est partout, dans chaque province, chaque ville et village, chaque rue, chaque foyer. Ses lieutenants sont haïs et redoutés : ils ont le droit de vie et de mort sur chacun. Personne n'est à l'abri. Et tous le savent. L'heure de régler les comptes à sonner : on trucide dans tous les coins ceux qui ont combattus sous les couleurs de la République balayée. Il est également possible de solder certains arriérés personnels en les noyant au cœur de cette terrible danse macabre : les opportunistes s'entendent pour arranger leurs petites affaires. Avec plus ou moins de discrétion.
C'est dans ce climat troublé (aggravé par la Seconde Guerre Mondiale même si le front est loin de la péninsule ibérique) que s'ouvre le drame qui va occuper le lecteur durant 350 pages. Une femme n'aime plus son détestable mari qui la frappe sans vergogne. Monsieur est très riche, puissant (car ami personnel du Generalísimo) et entouré d'une horde de sous-fifres tous plus assassins que les autres et à la tête de laquelle règne le peu recommandable Publio : une bande de joyeux drilles semant la terreur autour d'eux. Madame (Isabel) aimerait recouvrer sa liberté. Et le divorce ne semble pas en tête des possibilités s'offrant à elle. Aussi ourdit-elle un complot visant à supprimer l'obstacle. Elle réunit pour cela des personnes motivées et n'aimant pas beaucoup son époux (et Dieu sait s'ils sont nombreux) : des communistes de tout poil qui ne se reconnaissent pas dans la nouvelle politique nationale et trop heureux de faire sauter un maillon de la chaine dictatoriale. Mais le complot échoue, le mari fait le ménage par le truchement de ses hommes de main. Madame est éliminée ainsi que tous ces amis. Fin du premier acte. Rideau.
La seconde partie de l'histoire (intimement mêlée à la première) se déroule en 1980 et 1981. Franco est mort depuis cinq ans et la monarchie a été restaurée : Juan Carlos a rapidement rétabli la démocratie. Le lecteur suit Maria et son époux Lorenzo, César Alcala et les descendants des protagonistes de 1941. Quarante ans après, ce qui n'était à l'époque qu'un différend conjugal banal à pleurer a engendré une haine et un ressentiment indescriptible toujours palpable. Les jeunes de 1941 sont devenus des vieux qui ont fort mal vieillis, qui se détestent et se venge sur les jeunes générations innocentes.
Un thriller d'une violence inouïe qui dérange (et c'est un euphémisme). L'auteur donne fréquemment dans une surenchère souvent exagérée, parfois ridicule. Et que j'ai trouvé inutile et dommageable à l'ensemble du récit. Les personnages sont plus ambigus qu'il n'y paraît, ayant tous leur part d'ombre. L'auteur a su éviter le manichéisme des méchants contre les gentils mais ne semble pas les aimer car il s'échine au fil des lignes à ne leur laisser aucun répit et à les torturer (psychologiquement ou physiquement). Et à les faire mourir : les cadavres jalonnent les chapitres de ce livre qui se veut efficace mais qui soulève souvent le cœur.
Une écriture alerte, vive mais sans originalité particulière pour un livre qui parvient malgré tout à tenir son lecteur en haleine mais qui ne lui laissera pas un souvenir impérissable.