Étrange comme, parfois, on se fait des idées ; on croit connaître une histoire et en fait, pas du tout. C'est exactement ce qui s'est passé pour moi avec "La Vénus d'Ille", un roman fantastique qui m'a fait froid dans le dos.
La narrateur, archéologue et antiquaire (il est assez facile de faire le lien avec l'auteur), se déplace de Paris à Perpignan pour mieux connaître le Roussillon et son patrimoine. A une époque où l'archéologie et l'Antiquité exercent un puissant magnétisme sur les intellectuels, on n'a aucune difficulté à se représenter le contexte. Son hôte, Mr de Peyrehorade, antiquaire enrichi, lui fait part dès son arrivée d'une trouvaille extraordinaire : la statue d'une Vénus en cuivre trouvée enterrée sous un vieil olivier. Ladite statue représente une femme à la plastique idéale, quasi surnaturelle, mais qui trahit dans son expression une insensibilité frôlant la cruauté. Or des "incidents" ont déjà frappé quelques unes des personnes ayant approché "l'Idole", comme la nomment les autochtones.
Au fil du récit, une atmosphère très particulière se met en place, faite de sensations paranormales, de mystère et d'érotisme. Le narrateur ignorait qu'en arrivant chez Mr de Peyrehorade, il débarquerait en pleine noce, car son hôte marie son fils, et d'étranges phénomènes se produisent, inquiétants et aptes à rendre superstitieux les esprits les plus cartésiens. Une tragédie antique pourrait bien avoir été déterrée en même temps que la Vénus...
J'ai enfin trouvé dans une oeuvre classique le "fantastique frisson fantastique" qu'on m'avait promis de trouver et que j'ai cherché en vain dans "Le Portrait de Dorian Gray" de Wilde et le "Horla" de Maupassant. De plus, le style de Prosper Mérimée est efficace et simple, parfaitement digeste.