Critique de La Vérité par flipflap
Un des meilleurs Pratchett depuis longtemps (et comme même les mauvais Pratchett sont très bons)... Le thème du journalisme y est abordé avec beaucoup de finesse.
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le 27 sept. 2010
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Je ne comprends pas les autres critiques, beaucoup trop élogieuses à mon goût, alors voici la mienne. Quelques légers spoils dans la suite.
La première moitié du roman est maîtrisée, plutôt drôle, avec beaucoup de personnages, et l'ouverture de plusieurs intrigues et sous-intrigues (la création du journal "Le Disque-Monde", un complot qui se trame dans l'ombre, la relation compliqué entre Guillaume, le héros, et son père, la rivalité avec un journal concurrent,...), mais arrive la seconde moitié du livre, et là ça part en eau de boudin.
Déjà, on se rend compte que le scénario, qui semblait bien huilé et mener quelque part, n'est pas aussi bien ficelé qu'on le pensait, puisqu'on réalise peu à peu qu'une bonne dose des personnages sont tout simplement inutiles à l'intrigue et ne sont là que pour permettre à Pratchett de faire une ou deux vannes. Le meilleur exemple est Henri Roi, dont on se coltine des pages et des pages racontant sa vie de l'enfance à l'âge adulte, puis dans la foulée on se tape une longue discussion (sur plusieurs pages, encore) de marchandage entre lui et Guillaume (qui veut lui acheter ses stocks de papier pour imprimer son journal, alors qu'Henri Roi a passé un accord avec la concurrence). Guillaume parvient à ses fins et se retrouve avec une lourde dette d'argent envers Henri. Puis durant les 300 pages entre ce moment et la fin du roman, on nous rappel régulièrement cette dette, nous faisant comprendre que si Guillaume ne parvient pas à payer, il se retrouvera dans la mouise... Dans n'importe quelle autre histoire, Guillaume n'aurait pas pu payer sa dette, ce qui aurait justifié, scénaristiquement, qu'il y en ai une, faisant avancer l'histoire et mettant le héros en péril. Mais là... non, dans les dernières pages Guillaume récupère assez de fric pour payer, ce qu'il fait, et paf c'est terminé... autant ne pas mettre de dette du tout, s'il arrive à résoudre cet enjeu sans le moindre problème. Le pire, c'est qu'Henri n'est présent dans le roman qu'à un seul passage (le recouvrement de dette ? une ligne d'ellipse et c'est réglé).On se demande alors : mais ça servait à quoi tout ça ? À rien, cette sous-intrigue avec l'épée de Damoclès de la dette sur la tête du héros ne mène nulle part et n'impacte en rien l'histoire, et le personnage d'Henri, concrètement, ne fait que vendre du papier au héros. On n'ouvre pas une sous-intrigue si c'est pour ne rien en faire, cela ne fait que frustrer le lecteur et allonger inutilement l'histoire.
Il y a donc pas mal d'éléments de ce genre dans le roman : installés dans la première moitié du livre, prometteur pour la suite,... et qui finalement ne servent à rien, voire ne refont jamais surface (la bande de mendiants... présente même sur la couverture du bouquin... elle sert à quoi les gars ? Y'en a deux qui interviennent dans l'histoire, pourquoi passer autant de temps à présenter les autres 5-6 types ? Et le journal concurrent ? Une fois qu'il est créé, qu'on voit son directeur une fois et qu'il y a un ou deux débats pour savoir comment contrer la différence de prix et de qualité, ben c'est fini, ça passe à la trappe... y'avait tellement à faire ! Le directeur (qu'on ne revoit jamais) aurait pu faire un bon méchant/rival et mettre les héros dans la panade, surtout que le QG du journal est situé en face de celui des héros... à quoi ça sert de préparer tous ces éléments si c'est pour les oublier dans la suite ?).
Ensuite... on passe presque autant de temps à suivre les méchants (messieurs Lépingle et Tulipe) que le héros. Et vu que Pratchett veut maintenir le mystère sur le complot qui se trame, il nous laisse volontairement dans le flou dans les dizaines de passages où nous suivons les deux malfrats. Le truc, c'est que ça devient vite redondant et on sent la petite technique pour ajouter artificiellement du suspens et du mystère à une histoire au début plat. (Oui, les 100-200 premières pages de l'histoire sont plates dans le sens où il faut attendre un bon moment avant que Guillaume ne soit impliqué dans l'enquête, qui est l'enjeu principal du livre). De plus, le fameux complot, volontairement flou comme dans beaucoup d'histoires policières, est en réalité très simple et particulièrement prévisible, si bien qu'une bonne partie de ces passages censés entretenir le mystère ne servent, encore une fois, à rien.
Enfin, l'humour. Pas facile de faire rire dans un bouquin. J'ai lu d'autres Pratchett, et à ce niveau je garde de meilleurs souvenirs de ces derniers (la trilogie sur le Guet d'Ankh-Morpork). Ici, c'est sympathique, le ton et léger et loufoque tout du long (enfin, encore une fois, particulièrement dans la première moitié), mais (évidemment) on ne s'esclaffe pas en lisant La Vérité, en réalité on ne sourit même pas. D'accord, j'ai eu un petit éclat de rire à un moment. Le reste du temps, c'est sympathique, on voit bien le comique de la situation, mais de là à vraiment être amusé... L'ennui, c'est que Pratchett recycle ses blagues sans arrêt (j'ai retrouvé quelques vannes présentes dans la trilogie du Guet) : grosso-modo, il y a une vanne pour chaque personnages, et cette vanne va être déclinée du début à la fin à chaque fois que ce personnage intervient dans l'histoire.
- Monsieur Vendelingue fait pousser des légumes aux formes... bizarres ("bizarres" comme dans "de bites").
- Monsieur Tulipe est une grosse brute (répétant "...ain" ("putain" était trop pour l'éditeur ?) dans TOUTES ses phrases) ultra violente, une énorme armoire à glace complètement stupide... mais est un très grand spécialiste en Art (tableaux, sculptures, meubles,...).
- Ron l'Infect pue. Sérieusement. À chaque fois qu'il est là "Oh dis-donc ça ne sent pas très bon". Hum, on a compris.
- Sacharissa est une jeune femme avec de belles formes mais est très naïve (pour ne pas dire niaise) en ce qui concerne les relations homme-femme.
- Guillaume est orgueilleux, buté, et se croit au dessus des lois, et il reproche à son père d'être orgueilleux, buté, et de se croire au dessus des lois.
- Otto est un vampire, et il est accroc aux flashs de lumière de son "appareil photo", le réduisant en cendre à CHAQUE ...ain de fois ! Et vu qu'il est photographe, ça arrive... souvent.
- Les nains sont tous pareils (assez paradoxale, le roman traitant entre autres de racisme) : ils sont toujours prêts à la baston, aiment l'or, et les femmes ont des barbes.
- Le caporal Chicque est le roi des cons.
- Gaspode est un chien qui parle mais personne ne le réalise.
- Henri Roi recycle de la pisse.
La liste est longue, vous comprenez le principe, les personnages n'ont aucune profondeur et n'apportent qu'un unique gag, qui se décline en fonction de la situation et se conjugue avec celui des autres personnages présents. Généralement, c'est sympathique... mais c'est tout. Je trouve ça vraiment léger pour cette sommité de l'humour littéraire qu'est Pratchett.
Enfin, le style. Ben y'en a pas, quoi. C'est du Terry Pratchett, c'est un style purement narratif, avec quelques blagues brisant le quatrième mur, et voilà. On ne peut pas dire que c'est mauvais, ça se lit sans déplaisir, mais c'est sans âme.
La vérité = ~250 pages de plaisir + ~250 pages de lente déception
Peut-être bien mon dernier Terry Pratchett (RIP).
Créée
le 27 déc. 2015
Critique lue 386 fois
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