C'est un peu le sketch Chouchou de Gad Elmaleh sur 300 pages: on lit le journal d'une prostituée à l'accent marocain qui nous raconte se vie misérable et ses galères avec une langue amusante et percutante parce que très imagée et non policée mais jamais vulgaire. C'est bien écrit, l'oralité transparaît de façon très maîtrisée, c'est parfois touchant et toujours vraisemblable. La première partie est un peu misérabiliste mais c'est compensé par cette gouaille énergique et fataliste de la narratrice. A la moitié du roman, celle-ci croise la route d'une réalisatrice qui veut en faire sa consultante technique puis son actrice pour un film sur la prostitution au Maroc. A partir de là, l'héroïne découvre le cinéma, le jeu, la bienveillance, la célébrité et le confort. La façon dont elle raconte ces découvertes, toujours avec cette langue maligne et spontanée, est très réussi et très amusant. Selon moi, c'est cette seconde partie qui est la plus riche et la plus originale avec des réflexions sur le rôle d'actrice, sur la célébrité, sur le rapport à l'argent, sur la façon dont les gens continuent de se construire tout au long de leur vie sans se renier. C'est parfois un peu cliché (sur le cinéma, le Maroc, les prostitués) mais c'est efficace et plaisant !