Gary, Gary, Gary… (ici Ajar…) C’est un des grands noms de la littérature française. On en entend beaucoup de bien, on apprécie le personnage, ses frasques, sa personnalité, son histoire mouvementée… Tout cela m’a évidemment donné très envie de me plonger dans l’œuvre de cet auteur, d’autant plus que j’avais lu la promesse de l’aube il y a quelques années et que cela avait été pour moi une lecture assez plaisante, où j'y reconnaissais la patte d’un grand écrivain. Mais j’ai parfois pu avoir l’écho de petites voix s’élevant contre cet auteur, le trouvant « dépassé » et le considérant comme un écrivain qui a mal vieilli. Force est de constater que la vie devant soi m’a donné cette impression et m’a profondément fâché avec Gary (pour un temps, je lui laisserais une dernière chance, je suis plein de bonté.)
Bon Momo est un gosse des basses couches de la société parisienne, recueilli par une ancienne catin juive, qui a ouvert une sorte de foyer, « un clandé » pour les enfants de « celles qui se défendent avec leur cul ». Le roman suit les derniers souffle de l’histoire d’amour (quel sens donner à cet amour ?) entre le petit Momo donc et madame Rosa, cette vielle femme au bord de la mort.
Bon évacuons déjà une première chose, oui l’histoire entre ces deux personnages à quelque chose d’émouvant. Voir une jeune personne s’occuper ainsi d’une vielle dame, prendre soin d’elle au point de lui laver les parties intimes, car elle se fait dessus, ça émeut. Oui, une histoire que j’ai trouvé symbolique, une sorte de réconciliation métaphorique entre juifs et arabes. Encore une fois chez Gary, on a quand même toujours du mal à s’identifier à ces personnages hors-normes, un peu irréalistes. Momo est à la fois stupide comme un enfant mais en même temps comprend le monde qui l’entoure d’une manière parfaitement lucide… Puis toutes ces rencontres avec des personnages qui aident le jeune Momo à se construire sont comme des sortes de « points de passages obligatoires » d’un roman d’initiation (le vieil homme éclairé, les frères mafieux, la rencontre fortuite avec une belle jeune femme…) ça n’est pas un problème en soi, mais ici leur présence est trop superficielle. La vieille femme juive et le travesti sénégalais sauvent un peu le roman grâce à une belle construction des personnages. Mais tout cela n’a finalement que peu d’intérêt, je m’intéresse à la manière dont tout cela est raconté, et c’est là que cela pose problème.
On loue souvent la narration « enfantine » du roman comme sa plus grande qualité. Quelle belle foutaise. On sent tellement la plume de Gary/Ajar se forçant à se donner un côté enfantin, ayant juste mis un petit vernis d’enfance dans le choix des mots. Non désolé, ce n’est pas illisible non plus, mais cela reste assez au mauvais dans le style. Pour moi (oui je donne des conseils aux grands auteurs.) Ajar aurait encore dû pousser bien davantage le côté narration enfantine. Je rejoins totalement Philou 33 dans sa critique quand il affirme que l’auteur n’a sans doute jamais dû côtoyer d’enfants, tant le récit même avec quelques maladresses dans l’expression, reste d’une fluidité et d’une lucidité assez remarquable pour un bambin.
Un livre qui m’a fortement déçu, je m’attendais à un classique émouvant et rafraichissant dans son style, un monument de la littérature du XXE siècle et j’ai lu une sorte d’écriture d’invention d’étudiants de première Littéraire dont le sujet aurait été « Imaginez la vie d’un jeune enfant marginal dans le Paris des années 70 ». Passez votre chemin. Ce n’est pas madame Rosa qui agonise pendant 260 pages, mais bien le lecteur.