C'est la deuxième fois que je referme un livre de Milan Kundera, et à chaque fois c'est la même histoire. Que ce soit pour L'insoutenable légèreté de l'être ou La vie est ailleurs, on se retrouve là, traumatisé par ce que l'on vient de lire, près à tout remettre en question, à revoir sa vie de fond en comble.
Cette fois-ci, on suit l'histoire de Jaromil, de sa conception à sa mort. L'histoire se passe à Prague, avant, pendant et après la seconde guerre mondiale.
Jaromil est poète. Et comment peut-on être poète dans une dictature ? Les idées n'y sont jamais libre. Il faut dire que Jaromil n'est jamais libre. Etouffé par l'amour de sa mère qui le suit partout, dans sa démarche jusqu'au lit des femmes. Etouffé par les idéologies, les slogans du parti Communiste. Etouffé par ce père qu'il n'a pas connu. Etouffé par son amour pour une fille qu'il ne trouve pas belle. Etouffé par sa vision étriquée du monde...
Le livre est égocentrique, puisque Jaromil est égocentrique. Introspection, et partage d'une vision du monde faussée par les yeux d'un poète bien trop naïf et bien trop possessif. Le ton du narrateur se fait souvent moqueur vis-à-vis des protagonistes, accentuant le grotesque et le pathétique de leur choix. La cinquième partie tentant, par un procédé purement littéraire, de rétablir une certaine forme de réalité dans l'histoire : la narration se place trois ans après la mort du poète. On y retrouve sa fiancée, et la vie qu'elle mène dorénavant.
La vie est ailleurs parle de l'adolescence, de la formation d'un homme et de la cruauté qui l'accompagne. La pression, sans doute, qui force le poète à être une arme. Une arme de propagande, un cerveau que l'on apprend à laver, mais sans pour autant brusquer parce qu'intellectuelle. Ainsi, Jaromil devient le parfait militant. Et lorsqu'on le confronte à un passé qu'il a renié, il s'en retrouve humilié. Une certaine forme de haine sourde, et parfois inexplicable, semble se dégager du personnage, qui cherche en vain à vivre.
Mais, comme le titre l'indique : la vie n'est pas là. Elle se trouve sur des barricades inexistantes dans cette révolution qui n'en est pas une. Dans la vie de Xavier, ce personnage aventureux qu'il invente, ce personnage à qui il voudrait ressembler. La vie est hors de sa chambre d'enfant, hors de son amour. La vie est hors de sa vie. Et cette recherche est mise en parallèle avec celles de nombreux poètes. Ainsi, Kundera s'inspire, cite, des évènements de la vie de Rimbaud, Shelley, Lermontov, Neruda... Ce procédé fait de Jaromil un poète indiscutable, et met aussi en avant une certaine forme de fatalité : le poète doit mourir dans les bras de la femme qui l'a élevé, le poète doit mourir.
J'ai trouvé difficile de se prendre de sympathie pour Jaromil qui m'a semblé antipathique une bonne partie du livre. Sa soif de réussite, son mépris pour les autres, sans jamais se considérer, lui, tel qu'il est (malgré ses longues observations dans la glace, malgré ses autocritiques) en font un frustré. Frustration qui sera clairement exprimée dans le livre. La psychologie des personnages reste, toutefois, complexe et cohérente et c'est un réel point fort du livre.
Comme j'ai dit, la lecture de ce livre laisse pantois. On est prêt à tout reconsidérer, et ce livre touche quelque part à l'universel. Un universel renforcé par la présence de similarités entre la vie de plusieurs poètes (similarités sans doute fortuites, mais qui semblent probantes dans la narration). Ce besoin d'ailleurs à l'âge de l'adolescence est, de plus, un sentiment partagé par tout un chacun alors que nous ne vivons même pas sous le joug de la dictature.
La mort, brève, du poète referme l'histoire ; achevant censément l'histoire. Mais pourtant quelque chose subsiste : tous ces poèmes écrits et qui tomberont dans l'oubli une fois la dictature achevée. Tous ces poèmes écrits seulement pour une mère, et pour personne d'autre.
alexisvarthy
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le 6 juin 2012

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