Ce livre avait — a priori — tout pour me plaire : un auteur d'une incroyable érudition, un humour omniprésent, un esprit particulièrement iconoclaste et novateur, une réflexion sur ses contemporains doublée constamment d'un message à double entente d'un caractère grivois…


Bref, on m'avait parlé de chef-d'oeuvre, et je m'attendais à tel or… or… or, en ce qui me concerne, ce livre m'est tombé des mains — littéralement car je me suis endormi dessus à de nombreuses reprises — et c'est vraiment parce que j'étais très motivé que je suis allé au bout car, sans quoi et si j'avais été un tantinet moins maso, je me serais arrêté bien avant son terme.


Ce sont des digressions à n'en plus finir, du parler pour ne rien dire, et volontairement en plus, des interpellations constantes du lecteur, une " performance ", au sens moderne du terme, du genre « vous voyez ce truc-là, eh bien moi je vous parie que je peux arriver à le casser ou à sauter par-dessus sans le toucher ». Et, en soi, les performances de ce type m'ennuient profondément.


Tiens, je vais essayer de vous trouver un parallèle, c'est un peu comme si, pour vous impressionner, un cuisinier décidait de réinventer la cuisine : « Le plat chaud ? Eh bien je vais vous le faire froid. Le dessert ? Eh bien on va commencer par ça et au lieu de vous le faire sucré, je vais vous le faire salé. Etc, etc. » Donc, performance, peut-être mais est-ce vraiment bon et digeste, là, permettez-moi de m'interroger.


Donc, Laurence Sterne n'en finit pas de déconstruire le roman, de dynamiter tous les codes, parfois jusqu'à l'illisible. D'une certaine façon, il est une façon de James Joyce de son temps. L'art de la digression inutile y est porté à son paroxysme et sera par la suite quelque peu imité par Diderot dans Jacques le fataliste.


En somme, voici un livre assez gros qui ne raconte rien de précis, qui tourne tout à la dérision et au burlesque avec des longueurs incommensurables en étrillant au passage deux ou trois connaissances de l'auteur vis-à-vis desquels il souhaite régler quelques comptes et les ridiculiser un peu à la façon de Voltaire. Mais je ne vois pas de cette fameuse profondeur dont on nous rebat les oreilles à chaque fois que l'on lit des commentateurs de cette oeuvre qui tous crient au chef-d'oeuvre, monument incomparable de la littérature mondiale.


(L'argument, en général, lorsque vous n'avez pas apprécié un tel livre, c'est de dire que vous n'avez pas compris, que vous n'êtes pas assez subtil pour en percevoir tout le bon grain et le nectar, etc.) Bon, ce que je me dis, très modestement — les gens n'étant pas plus bête que ça — c'est que s'il s'agissait véritablement d'un chef-d'oeuvre, beaucoup plus de gens le lirait. Personnellement, je l'ai lu, avec ennui très souvent, et n'en retire aucune satisfaction particulière alors que je ne lis quasiment que des classiques et ne suis donc pas du tout fermé aux livres anciens ni aux livres réputés " difficiles à lire ".


J'ai eu le sentiment que pendant tout l'ouvrage, Sterne jouait à " qui pisse le plus loin " histoire de nous prouver que LUI, il peut le faire. Moi je serais tenté de répondre : « Et nous ? Est-ce que ça nous intéresse ? »


Pour ceux que cela motive tout de même, disons que le livre prétend être une autobiographie de Tristram Shandy, mais dont, finalement on n'apprend presque rien. L'épisode précédant sa naissance étant le plat principal. De ses opinions, on ne saura à peu près rien non plus car l'essentiel tourne autour de son père et de son oncle (le frère du précédent). Le père est une caricature du philosophe John Locke, et l'oncle Tobie est présenté comme ayant une toquade (un dada) à la Don Quichotte.


Lui son truc ce n'est pas la chevalerie errante, ce sont au contraire les très statiques sièges des villes pendant les guerres. Les références à Cervantès et Rabelais sont omniprésentes, mais l'on est loin, d'après moi, de l'engouement que peut susciter la lecture de Don Quichotte, par exemple.


Bref, à vous de voir si l'aventure shandéenne vous attire. Il y a quelques passages drôles, beaucoup d'autres longs, ennuyeux et gratuits à mes yeux. Bien entendu, le mieux est de s'en faire soi-même sa propre opinion et je ne prétends pas avoir des lumières particulières à propos de ce livre.

nastasia-b
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le 25 août 2017

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