Lorsque Nina arrive à la ville, c’est contrainte et forcée par le déménagement qui va permettre à son père de commencer un nouvel emploi. Rapidement la fillette s’aperçoit du manque de couleur dans la ville. Et ce ne sont pas interdictions absurdes d’en porter ou d’en utiliser qui vont éteindre son désir d’inverser la tendance en se rebellant contre un système auquel elle refuse de se soumettre.
A la lecture de La ville grise, la beauté des illustrations de Torben Kuhlmann aspire le lecteur dans cette ville oppressante dans laquelle la vie semble presque éteinte. Il multiplie les prises de vues et cadrages pour signifier l’impression d’enfermement, d’emprisonnement, renforcée par les nuances de gris, couleur neutre artistiquement qui inspire pourtant la saleté, la tristesse, la dépression… Au cœur de cette grisaille, l’imper jaune de Nina amène la lumière qu’elle porte en elle et attire le regard des plus réfractaires comme une lumière attire un papillon dans la nuit.
A l’image de la petite Momo de Michael Ende, Nina reste hermétique aux règles imposées. Mais là où Momo ne se soumettait pas à la pression de l’urgence, Nina fuit ce qui tend à ressembler à un régime autoritaire. Au cœur de cette ville grise, les quelques couleurs qui filtrent sont autant de symboles que Nina n’est pas seule à lutter pour la liberté. Un graffiti par-ci, un peu de musique par-là, et un rayon de bibliothèque dissimulé plus tard, l’art s’impose comme sauveur de l’humanité et libérateur de l’oppression.
Véritable bouffé d’oxygène dans l’étouffement imposé par la ville, l’art (et la couleur) illumine les pages et l’histoire, il ouvre l’esprit de la jeune héroïne à rechercher l’origine de ce mal par l’interprétation scientifique de l’expression de la couleur. Torben Kuhlmann impose son style dans un album unique, et ses centres d’intérêts comme autant d’éléments nécessaires à la sauvegarde de nos sociétés. Pourtant, si l’histoire ne manque pas d’intérêt, il est dommage que les tenants et aboutissants ne soient pas exposés, cela m’a empêchée de complètement adhérer au récit, même si je reste très sensible à son message porteur d’espoir.