Bienvenu dans la "ville Noire", un condensé de petites aciéries, d'armurier, de coutelier et de maisons malpropres situés en contrebas d'une ville où résident les rentiers. Là vit un jeune et bel homme surnommé "Sept-Épées", artisan-ouvrier de talent qui se complait tant bien que mal dans cette ville depuis une dizaine d'année. Orphelin, il substitue le vide familial par son entourage proche composé de son parrain et d'ouvriers de la Ville. L'on pourrait s'attendre à une série de plaintes et de misères en ce décor d'industries sales et poussiéreuses mais non. L'unique préoccupation de Sept-Épées est le dilemme suivant, qu'il partage avec son ami Louis Gaucher : "ou rester pauvre avec le coeur content, ou se rendre malheureux pour devenir riche". Ce dilemme ne se pose plus pour son ami, étant déjà marié avec des enfants à charge, le fardeau du mariage lui empêche définitivement toute aspiration pour la richesse, selon Louis Gaucher. Ce dilemme effraie Sept-Épées, il aimerait se lancer dans l'achat d'un modeste atelier de fabrication, il a sagement et durement épargné de longues années pour cela, mais alors il ne se mariera jamais, et surtout jamais avec Tontine, sa précieuse amie d'enfance, réunissant toutes les qualités du monde.
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Il choisit brutalement l'une des deux branches du dilemme et demande précipitamment en mariage Tontine, mais aux termes de discussions maladroites avec cette dernière, Tontine cru comprendre que Sept-Épées avait l'esprit vénal, aventurier dans les affaires et désireux d'avoir "un rang", de monter socialement. Il eut beau tenter de se défaire de ses confuses affirmations, le discours désenchanta immédiatement Tontine, qui elle désire mener une vie simple et humble et se méfie des ambitions douteuses de Sept-Épées. Qu'à cela se tienne puisque son refus est arrêté, Sept-Épées se jette à corps perdu dans son ambition première, être indépendant par l'acquisition d'une petite entreprise de coutellerie-aciérie. Ironie de la providence, le hasard veut que sa première affaire soit un lieu maudit, d'ailleurs le propriétaire (Audebert) qui lui vend était à deux doigts de se suicider, mais cela ne décourage pas Sept-Épées, qui, content d'avoir une proposition, accepte sans trop réfléchir. Le coeur sur la main, il paie un salaire à Audebert tout en le désendettant par le prix de vente versé aux créanciers, et s'octroie vite le luxe d'avoir plusieurs salariés et un directeur d'ouvrage. Il peine toutefois à dégager un bénéfice à la hauteur de ses espérances, ce d'autant plus qu'il suffit d'un ouvrier malade, d'une catastrophe naturelle pour mettre à mal l'économie de sa petite entreprise, et c'est précisément ce qu'il se passe. Sept-Épées, rumine, réfléchie à améliorer la production mais les idées concrètes lui manquent. Il ne vit ainsi que par son entreprise et s'isole de ses proches, sa famille-bis.
Au moment où il cogite sans issue, Tontine se fait courtiser par un jeune médecin galant qui s'élance hâtivement pour une demande en mariage, étant à peu près certain qu'elle ne peut qu'accepter aveuglément, compte tenu de sa basse condition sociale. Mais c'est mal connaître Tontine qui, légèrement séduite par la proposition, eut un léger bond d'amour-propre lui faisant refuser ce projet. Puis, sans en avoir réellement conscience, elle aimait encore sans le dire Sept-Épées. Les simples bruits du mariage suffisent à écoeurer Sept-Épées qui part vagabonder sans destination précise en laissant sa petite entreprise dans les mains d'un seul homme. Cette fuite qui semble lâche et improductive a au contraire rafraichi les idées de Sept-Épées qui découvre d'autres villes, travaille dans d'autres industries, perfectionne ses connaissances, et finit même par découvrir la sphère agricole et son atmosphère douce et champêtre. Il voyage sans oublier d'échanger des lettres avec son ami, auquel il confesse son attachement sincère et immuable pour Tontine.
En retour, on l'informe que Tontine est gravement malade et que son entourage s'inquiète de son sort. Sept-Épées retourne alors sans hésitation à la Ville Noire et ... stupéfait, il découvre avec joie que Tontine n'est pas malade et que ce mensonge était un test. En quelques paroles, Tontine consent joyeusement en toute confiance à se marier avec Sept-Épées qui se voit également proposer un travail plus stable dans un nouvel atelier dont le propriétaire est précautionneux et bienveillant pour ses salariés. Il y a plein d'autres détails subtils mais la fin est heureuse, la célébration du mariage attire tellement les foules que même les mondains vaniteux de la ville haute se laisseront charmer par les festivités des habitants de la Ville Noire.
George Sand se plait à dénicher quelques éclats de lumière dans un environnement noirâtre où l'on attend que des brusques alcooliques et dépressifs, fatalement sans rêves et sans ambitions, et des amours ratés où des femmes élèvent une portée de gosses dans la misère la plus absolue. Oui mais c'est trop facile de tout décrire de la sorte, de tout plaindre et d'inviter à l'indignation permanente. Loin de décrire le monde du charbon comme un paradis, elle veut aussi et surtout montrer qu'en tout lieu peut se trouver des êtres spirituels, aimants, humains, maladroitement amoureux et attachants, où la fraternité remplace la famille perdue. Louis Gaucher dit même "Bah ! notre enfer n'est pas si laid qu'on veut bien le dire !". Alors certes, la vie y est globalement abrutissante par le travail monotone et les perspectives d'avenir ne sont pas très diversifiées, mais l'on peut y être heureux et joyeux en toute circonstance ! Et oui... c'est toujours possible chez des jeunes âmes vigoureuses et courageuses. Le message n'est pourtant pas "restez pauvres les gueux vous pouvez toujours être heureux, tout est à l'intérieur, débrouillez-vous pour chercher le bonheur" Elle ne refuse pas l'amélioration des conditions de travail, ni du confort de vie que l'on doit accorder aux braves ouvriers et artisans et elle souhaite même le rapprochement des conditions sociales, mais elle n'indique pas de solution politique précise qui pourrait inciter à une révolution. D'ailleurs dans son roman, tout s'améliore à la fin d'un point de vue politique dans la Ville Noire par des circonstances hasardeuses et donc non reproductibles par principe. Ce qu'elle veut sans doute chez le lecteur, c'est développer une sensibilité et une compassion pour une classe méprisée en montrant des visages hautement spirutuels et nobles que l'on ne s'attend pas à voir chez les laborieux.