Alain Damasio a écrit la Zone du dehors il y a dix sept ans,âgé de plus ou moins trente deux ans.C’est aussi l’âge de Capt,leader révolutionnaire du récit et accessoirement un de ses narrateurs.La fougue de la jeunesse encore d’où jaillissent des premières lueurs de maturité.Un constat qu’on pourrait faire aussi sur le livre jallonné de moments de fureur et de tempérance.C’est même cette alternance qui ferait son charme.Ensuite, mélanger une révolution contre un totalitarisme dans un cadre SF,ce n’est pas si simple.Il faut que le cadre soit parlant,explicite pour embarquer le lecteur.En choisissant une colonie spatiale dans les années 2080, en suggérant le contrôle de l’individu par les statistiques et les nouvelles technologies, l’auteur avait déjà anticipé les travers de cette société de confort qui prétend tout offrir sans contrepartie.Le Clastre ( classification des individus de une à cinq lettres) achève une déshumanisation avec des hommes et des femmes n’ayant plus la faveur d’un prénom.On peut comprendre qu’une bande de résistants (La Volte) s’insurge pour pouvoir contrer le pouvoir central.Jusqu’ici, la construction est plutôt bonne et ce qui agite Alain Damasio pendant son écriture,c’est comment décliner son univers sur une histoire sans grands effets spéciaux ( si ce n’est quand Capt doit survivre à son châtiment au milieu des déchets radioactifs).Quelque part,quand le lecteur observe aussi ce récit changeant plusieurs fois de narrateur;qu’Alain Damasio utilise les mots pour créer un jargon et des emballements syntaxiques ( essayer de comprendre ce sacré Slift est parfois coton); et finalement constater que la forme a tendance à primer sur le fond.Je conçois que cela a du bon pour le côté récréatif de la lecture mais je me suis parfois demandé si la trame même de l’histoire ne s’en trouvait pas secondaire.A vrai dire, les bouillonnements des Voltés, certaines de leurs entreprises « commando » sont ainsi mises en valeur par cette forme démenée mais ce n’est pas un sentiment d’aboutissement narratif maîtrisé pour être honnête.Reste de bons moments de bravoure comme la confrontation de Capt et de A ou encore lorsque le leader de la Volte entraîne 700 000 personnes vers la Zone du dehors pour y proposer un système de vie alternatif.Par contre,le dernier long chapitre (les Tigres pourpres) a tendance à créer des situations expéditives pour solder l’histoire et c’est regrettable.En définitive, il faut prendre la Zone du dehors pour ses surprises,ses illuminations et ses bons instincts.C’est là que la sauce prend, que le lecteur trouve son compte.S’il y a une question ouverte à se poser à la fin de l’histoire,c’est si la révolution contre le totalitarisme est une vieille confrontation idéale dans un cadre SF des années 2000.De l’eau a coulé depuis 1984 ou V pour Vendetta et c’est difficile de mettre en scène cette opposition dès lors.Alain Damasio a essayé et sa tentative doit être reconnue à sa juste valeur, il me semble.