« Mais qu’est-ce que c’est que ce roman de dingues ?! »

C’est, en fait, la première chose qui me vient à l’esprit en repensant à cette lecture. Une lecture, ma foi, sacrément éprouvante, stressante, parfois insoutenable, mais oh combien géniale. Je vais d’ailleurs avoir du mal à en parler, tant j’ai de choses à dire sur son compte… je m’excuse donc par avance, car cet avis risque de partir dans tous les sens et d’être aussi long qu’un jour sans fin.

Ce roman traine depuis un petit moment dans ma bibliothèque. Avant ça, le film ( Suédois ), à sa sortie, me faisait de l’œil au point que je décidais que, plutôt que de le voir, il me faudrait commander très prochainement le roman duquel il était tiré. Ça m’a demandé des années avant de me décider, enfin, à mettre la main à la poche et, franchement, je m’en veux un peu d’avoir attendu aussi longtemps pour découvrir une telle perle.

Nous y suivons principalement Oskar, un gamin de douze ans martyrisé et mis à l’écart par les élèves de son collège. Alors que le meurtre sordide d’un enfant fait la une des journaux, Oskar se lie d’amitié avec sa nouvelle voisine, une certaine Eli. Leur rencontre va peu à peu le transformer… mais également lui faire prendre conscience d’une réalité qu’il croyait fictive. Car si cette nouvelle amitié comble sa solitude, elle est également à double tranchant. Car Eli est un vampire.

C’est un roman particulièrement malsain et violent. L’auteur ne fait pas dans le gentil vampire tout sucre tout miel. Sa vision du vampirisme est bien plus bestiale, bien plus proche du mythe originel. Ce sont des créatures qui n’hésitent pas à tuer pour survivre, habitées par un hôte à l’appétit insatiable qu’il leur faut régulièrement nourrir.

Pourtant, pour peu qu’ils soient restés en vie après leur contamination, ce ne sont pas des créatures dénuées de tous sentiments. Pour la bonne et simple raison qu’ils conservent leur personnalité, leurs souvenirs, tout ce qui fait d’eux ce qu’ils étaient. Ils continuent à vivre, en sommes, mais d’une façon différente.

Eli en est l’exemple parfait, et c’est d’ailleurs un personnage intéressant. C’est un personnage qui, malgré ses meurtres, reste touchant. Car après tout, ce n’est pas comme si une autre façon de survivre lui était possible. C’est également un personnage extrêmement solitaire, et c’est cette solitude qui va les rapprocher avec Oskar.

D’ailleurs Eli est, et reste, un personnage mystérieux. On en apprend plus sur les personnages secondaires que sur Eli. Malgré tout, c’est un personnage qui réserve de belles révélations. Ça oui !

Quand je disais plus haut que c’est un roman à la fois malsain et violent, j’entends par là que l’auteur ne nous épargne pas grand-chose. Des scènes d’une rare violence nous sont jetées au visage, et puis, le roman aborde aussi le sujet de la pédophilie, et le pousse très loin. (Sérieux, je ne pensais pas que l’auteur serait capable d’aller jusque-là.) Et pourtant ! Pourtant, le roman ne se contente pas d’être un bête roman d’horreur, qui pense qu’il lui suffit d’enchainer les scènes gores pour que ça fonctionne. Non.

Car si le roman fait des victimes, il nous permet, surtout, de nous intéresser à ces mêmes victimes. De les voir dans leur quotidien, parfois banal, de connaître leur passé, leurs espoirs. De se familiariser avec eux, suffisamment pour que la charge émotionnelle, au moment de leurs épreuves, en soit décuplée. Pour la plupart, ce ne sont pas de simples ombres, mais bien des protagonistes dont l’importance est presque égale à celle des deux personnages principaux que sont Eli et Oskar. Et c’est personnellement quelque chose que j’ai adoré. Que l’auteur me permette, ainsi, de m’attacher à eux avant que l’horreur ne s’abatte.

C’est là, d’ailleurs, où ce roman est très fort. Parce qu’en permettant au lecteur de se familiariser avec les deux parties, que ce soit celui des victimes ou du prédateur, il est difficile de prendre parti pour l’un ou pour l’autre. J’ai passé, en fait, mon temps à me sentir désolé pour les deux, sans parvenir à choisir mon camp.

Et c’est justement parce que je me suis pris d’un tel intérêt pour tous les personnages que je ne me suis pas ennuyé une seule seconde à la lecture de ce roman. Pourtant, à la base, moi et les pavés, nous ne sommes pas de grand-amis. Il y a toujours un moment où j’en ai ma claque. La plupart du temps, il me faut près d’un mois pour arriver au bout d’un seul, tant je rechigne, une fois que je l’ai reposé, à y retourner. Là, c’est un roman que, si j’en avais eu le temps, j’aurais lu d’une traite.

Il y a des scènes de folie dans ce bouquin. Je pense notamment à celles qui mettent en confrontation Tommy et l’assassin… la scène finale, mais mah ! Je l’ai trouvé juste géniale ! ( Et ça m’emmerde de pas pouvoir en dire plus mais, rah, je vais pas commencer à spoiler. Non, non ! )

Mais où j’en étais ? Oui, j’aimerais revenir sur le personnage d’Oskar, parce que mine de rien, il fait un peu office de protagoniste principal.

Oskar, donc, qui est un enfant martyrisé par certains camarades de sa classe, qui va d’humiliation en humiliation, jusqu’à ce que ces tortures finissent par tourner à l’horreur. J’ai vraiment souffert pour ce personnage. Tout au long. Je crois que c’est le personnage pour qui j’ai eu le plus de mal.

Oskar est lâche. Mais au fond, ce n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Il est seul contre tous. Pourtant, sa rencontre avec Eli le transforme, lui donne la force nécessaire de se rebeller, d’imposer son droit au respect. Ce sont des scènes très fortes, et l’injustice qui, chaque fois, replonge Oskar dans son rôle de victime n’en devient que plus éprouvante.

Et je ne parle pas des dernières pages. Rarement un roman m’aura autant malmené. Je me suis vraiment demandé comment un auteur pouvait être aussi cruel avec ses protagonistes. J’en suis même venu à le maudire, le sagouin, pour se permettre de jouer ainsi avec mes nerfs. Le résultat a été que je devais faire une pause à chaque nouvelle page, afin d’éviter de balancer mon roman dans le mur sous le coup de la colère. J’ai l’air d’avoir détesté, pas vrai ? Pourtant, ce n’est pas ça. Oui, ça a été dur de lire ça, mais bordel, quelle fin, quoi ! Quel truc de malade !

Le seul reproche que j’aurais à faire à ce roman, ce serait vraiment sa pirouette finale, avant la scène de clôture, que j’ai peut-être trouvé un peu trop facile. La pression est retombée d’un seul coup, trop vite, et j’ai eu un peu l’impression qu’il y manquait quelque chose. Après, c’est peut-être seulement moi ?

Qu’est-ce que je peux dire de plus ? Que c’est aussi un roman qui aborde le sujet de l’homosexualité de façon surprenante, parce qu’inattendue. Que c’est également le genre de récit où tu te demandes perpétuellement jusqu’où l’auteur est capable d’aller, qui t’empêche souvent, par le caractère inattendu de ses évènements, d’en deviner la suite et, donc, de te préparer à l’avance pour ce qui va suivre.

Pour moi, ce roman est un coup de cœur. Ça fait un sacré paquet d’années que je n’avais pas lu de roman sur les vampires qui m’ait vraiment emballé. Alors certes, c’est un roman qui est destiné à un public averti et qui, du coup, pourra rebuter. Mais bon Dieu, quelle histoire de dingues !
truc
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le 18 nov. 2013

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