Une saga qui se déroule à Naples dans les années 50, dans cet après-guerre duquel émerge une génération neuve, d'une part issue d'une génération meurtrie et honteuse, et d'autre part vouée elle-même à s'ancrer, avec sa descendance, dans un monde nouveau, à reconstruire, ne peut être que haute en couleurs et en bruits, et forte en sensations.
Et en effet, au coeur d'un quartier populaire qui résonne des appels des mamas, des cris des enfants, de la course effréné des voyous, des baisers volés sous les porches, qui se dissimule sous les fils couverts de linge en travers des rues, dans les caves où s'activent artisans, ouvriers et magouilleurs, dans les réseaux étroits de ruelles puantes où courent les rats, on découvre une vie quotidienne authentique, des moeurs, des codes, des usages qu'hommes et femmes, jeunes et vieux vivent de leur mieux. Une verdeur et une violence ordinaires qui témoignent d'une époque bien que j'aie des doutes sur le fait que ça ait réellement changé depuis.
L'atmosphère rétro du récit est bien rendue, avec un petit quelque chose d'envoûtant. Toutefois, ma découverte de ce premier volet de la tétralogie de "L'amie prodigieuse" me laisse mitigée, pas entièrement comblée. Quelque peu dupée par un titre aussi trompeur que prometteur, je m'attendais en effet à me plonger dans une grande histoire d'amitié, celle liant deux jeunes filles, Lila et Elena. Or, à ma surprise croissante, ce qui s'est révélé à moi sous la plume d' Elena Ferrante , par la voix de la narratrice, la jeune Elena Greco, ce fut moins une amitié qu'une rivalité. Une rivalité nourrie de jalousie, de convoitise, de frustration, engendrant une compétition malsaine et infondée. Tout au long de ma lecture, j'ai ainsi éprouvé une sorte de malaise à l'idée que l'amitié qui est un sentiment aussi noble pâtirait de ce récit au succès si énorme.
Ce premier tome est un roman initiatique efficace au rythme bien enlevé et même si la jeune Elena ne m'inspire pas beaucoup d'affection, je poursuis ma découverte en espérant que l'adolescence tourmentée et perturbante laissera place à une maturité moins sournoise et plus sororale.