Comme toujours avec ces romans qui "font le buzz" sur Internet, avec des critiques dithyrambiques sur les blogs, sur Babelio, et même le magazine Lire qui s'y est mis, je prends peur, me braque presque... En plus, un auteur mystérieux, qui n'est pas ce qu'il prétend être... Ouh là là, méfiance me dis-je, ça sent la bluette, le roman féminin fastoche, grand public (non pas que je méprise cette littérature mais ce n'est pas du tout ma came), la saga familiale bon marché... Surtout qu'il y a une "suite", qui n'était pas forcément prévue au départ (ouille, ça fleure le truc commercial...). Ah et puis zut, c'est quand même chez Gallimard, collection "Du monde entier" (que j'adore), et je fais confiance à la critique de Lire... Je me lance à mon tour dans cette histoire d'amitié italienne dans les années 50-60, chronique d'un quartier et de ses habitants modestes (petits commerçants), mais aussi d'un lien incroyable et banal à la fois entre deux petites filles puis adolescentes qui s'aiment/s'admirent/se jalousent/s'éloignent/se rapprochent.
Sans refaire le résumé de l'histoire (au final, il ne se passe pas grand-chose, c'est plutôt une longue chronique de cette amitié, vue par l'une des deux filles, la narratrice, que l'on sent un peu dans l'ombre de l'autre, Lila, la solaire Lila), il est vrai que l'on se prend très vite au jeu de cette relation complexe, subjective car vue par les yeux d'Elena (et l'on sent souvent qu'en fait elle se dévalorise, alors tout n'est qu'à prendre à l'aune de ce qu'elle veut bien nous raconter, c'est très habile de la part de l'auteur), mais aussi à l'ambiance de ce quartier napolitain, à cette Italie à la fois brûlante de chaleur et parfois grise d'une relative misère.
Le style est parfaitement adapté à l'histoire, très fluide mais soigné, il colle parfaitement à l'évolution des personnages, rien ne choque, tout est à sa place. Le rythme, quoi que lent, n'a rien d'ennuyeux, et sans qu'il y ait aucun suspense, on se surprend à vouloir connaître la suite. Même la multiplicité des personnages ne gêne en rien la fluidité du récit, tout se construit peu à peu, s'emboîte. Il y a comme une magie dans ce roman, comparable à la magie de l'attraction qu'exerce Lila, ce qui est, encore une fois, très habile et brillant de la part de l'auteur.
Un vrai coup de cœur pour un roman, il est vrai, assez féminin, mais qui tend aussi à l'universel.