Ursula Le Guin signe un roman très intimiste et poétique comme elle en a l'habitude, invoquant un imaginaire antique déjà ancré en chacun de nous. Lavinia se propose de raconter l'histoire d'une femme, ou plutôt de donner la parole à une femme que les récits anciens ont laissée de côté, thématique une fois de plus chère à l'autrice. Elle donne ainsi naissance à un univers très riche, à la fois très familier et plein de découvertes, dans lequel on ressent une fois de plus son intérêt pour l'ethnologie qui lui permet de décrire sans fioriture une société méconnue, ses rituels, ses coutume, et ce sans alourdir le texte.
C'est un récit qui prend du temps à se mettre en place : la moitié du roman se déroule sur une période très courte, la guerre entre les Troyens et les Rutules commence assez tardivement et s'achève aussi rapidement, puis la deuxième partie du roman voit tout le reste de la vie de son héroïne défiler à une vitesse affolante. C'est à cause de cette temporalité déséquilibrée que j'ai eu plus de mal à adhérer à l'histoire. A cela s'ajoute les caractéristiques d'une héroïne finalement très conventionnelle - est-ce si surprenant dans la mesure où l'on parle d'une femme ayant potentiellement vécu il y a plusieurs milliers d'années ? Peut-être était-ce également mon erreur d'avoir attendu de Lavinia qu'elle transcende la figure féminine antique traditionnelle ; elle n'en demeure pas moins un personnage beau et tragique, plein de dignité et de force, en dépit de quelques remarques surprenantes qui m'ont sortie de l'histoire