Cette longue nouvelle aurait tout aussi bien pu être une pièce. Sa trame, divisée en courts chapitres, est d'ailleurs très théâtralisée, un peu à la manière d'un vaudeville mais sur un ton bien plus grave.
La famille Kampf, Albert et Rosine, les parents, Antoinette, presque quinze ans, vit à Paris dans un très luxueux appartement. Nouveaux riches enrichis grâce à un coup de chance à la Bourse, ils se piquent d'aristocratie et décident, par vanité et pour faire étalage de leur train de vie, d'organiser un grand bal... auquel Antoinette, infantilisée par sa mère qui se soucie de ne pas avoir dans les pattes cette grande asperge tout en os, n'est pas autorisée à paraître. Antoinette, frondeuse, travaillée par la puberté, se venge en ne postant pas les invitations. Quand arrive le grand soir, la sonnette de l'appartement reste désespérément muette ; l'horloge sonne l'heure de vérité et les masques tombent.
J'aime à la folie l'écriture d'Irène Némirovsky et chaque nouvelle oeuvre lue me conforte dans ce sentiment. C'est frontal, précis, imagé, sans fioritures, "impactant" pour utiliser un mot à la mode. En soixante pages, l'auteur nous plonge dans un décor qu'on se représente parfaitement, en compagnie de personnages que Maupassant n'aurait pas reniés. D'ailleurs, ce récit de bal manqué est tout à fait dans la veine de notre grand nouvelliste national.
A lire confortablement installé dans un fauteuil d'orchestre.