Cet été-là, ils sont une quinzaine à avoir posé leurs valises – et emmené leurs problèmes personnels – à l’hôtel Strongyle de Stromboli, l’île Eolienne située au nord de la Sicile et bien connue pour son volcan en éruption quasi continue. Ils sont venus y chercher le calme de ses petites plages tranquilles, à l’écart des grandes stations balnéaires, avec, en point d’orgue à leur séjour, la randonnée jusqu’au sommet du volcan. Très encadrée, cette excursion un temps interdite pour des raisons de sécurité s’effectue avec un guide, souvent de nuit pour voir les éruptions. Malgré les précautions, le risque zéro n’existe pas, les plus fortes explosions restant imprévisibles. Alors, pour les touristes comme pour les habitants de l’île, entre le feu du volcan et celui qui couve dans les coeurs, cet été-là marquera un avant et un après…


D’emblée l’on pense au Paris-Briançon de Philippe Besson. Ici, pas de train emportant divers destins vers une tragédie collective, mais un hôtel rassemblant des vacanciers, débarqués d’horizons différents pour un séjour qu’ils ignorent assez dangereux pour faire exploser leurs vies déjà passablement ébranlées. Entre plusieurs couples en crise, une fratrie unie par une enfance douloureuse, quelques esprits poursuivis par un passé sombre et d’autres ne se remettant pas de leurs deuils, des plus jeunes qui n’ont pas dix ans aux plus âgés qui ont déjà tout perdu et des touristes de passage à la petite communauté de locaux gravitant autour de l’hôtel et des activités touristiques, c’est toute une humanité cabossée par des histoires personnelles dont personne n’aurait idée si elles ne nous étaient dévoilées au rythme d’une narration chorale, qui se dessine peu à peu sur le fond spectaculaire de cendres noires et de mer céruléenne de cette île aux humeurs imprévisibles.


Lorsque le Stromboli éructe plus fort que d’habitude, lâchant ses bombes volcaniques sur les lilliputiens humains accrochés à ses pentes abruptes, volent en même temps en éclats les carapaces de chacun des protagonistes, mettant au jour les braises et les cendres de ces vies à différents stades de combustion. L’attention d’abord éparpillée, puis teintée d’une pointe de scepticisme, face à l’accumulation de tant de destins si improbablement singuliers, surpris par ailleurs par l’incongruité de fautes étonnamment échappées à la correction, l’on se laisse finalement emporter par cette histoire métaphorique qui se plaît à explorer la face cachée des êtres en autant de mises en abyme, béances pourtant insignifiantes face aux terribles et grandioses puissances de la nature. Alors, peut-être, rappelés à la conscience de la fragilité et de l’éphémérité de la vie, certains personnages sauront-ils balayer les scories de leur existence pour tenter d’en reprendre le contrôle...


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Cannetille
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le 5 févr. 2023

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