Ce n'est pas en amatrice de polar, ce que je ne suis pas, que je vais ici débiner ce livre. Mais juste en lectrice tout court. En personne qui lit. Qui sait lire. Le français. En fait, j'aurais dû lire ce livre dans sa version originale, parce que je me serais contentée de trouver que l'histoire était tirée par les cheveux, globalement mal goupillée (il faut deux cent cinquante pages de plus que nous aux enquêteurs pour se dire que les deux assassins, expropriés en même temps et pleins de points communs, sont frères...) et invraisemblablement étirée en longueur. J'en ai plein les bottes de ces marteaux qui équarrissent leurs semblables parce qu'ils ont subi des horreurs qui leur ont fêlé le casque. Et de ces flics borderline souffrant de leur mauvaise réputation, dont le génie est méconnu de tous leurs débiles de collègues. Et de ces relations impossibles qui précipitent les antagonistes dans les bras l'un de l'autre pour aucune bonne raison, alors qu'ils ont passé les cent premières pages à se latter. Et des traumatismes dramatiques des uns et des autres, qui justifient qu'on enquiquine le monde entier au lieu d'aller chercher de l'aide chez un professionnel. Bref, j'aurais déjà eu des tas de bonnes raisons de n'avoir pas passé un bon moment dans les pages de ce pavé indigeste. Mais en plus, cerise sur le gâteau, la traduction est indigne. Pire que ça. Elle commence mal et finit de manière catastrophique; plus on approche du dénouement (je ne nie pas que j'étais excédée par cette histoire abracadabrante, de base...), plus on a l'impression de lire une traduction Google. Un scandale linguistique, tout bonnement. L'accusation est grave, laissez-moi l'étayer : page 704, "il a abusé d'eux une fois et une autre". Ça fait deux fois, ça, pas de quoi justifier des années de mauvais traitements qui poussent un enfant à la folie. Une lectrice, oui. D'autant que, page 634, j'avais déjà lu "Inspecteur Marlart, vous êtes brûlé, mon vieux", qui avait achevé de saper le peu qu'il me restait de sens commun pour me précipiter dans une rage littéraire folle. Je continue ? Page 701 : "Oui, androgynes, ni chair ni poisson, quoi...". Faut-il connaître l'espagnol pour voir un faux sens dans cette phrase ? Je ne crois pas, non, même pas une "putain de fois". Bref, un livre qui malmène la langue et n'a aucun respect pour son lecteur. Et à mon avis l'auteur n'est pas responsable de ce scandale honteux... Pour ma part, je ne rouvrirai jamais le moindre Babel Noir, je suis furieuse d'avoir perdu plus de 700 pages de lecture pour arriver au bout de cette histoire ficelée en un tournemain dans les dernières pages, dont la fréquentation n'apporte absolument rien, si ce n'est quelques beaux paragraphes sur la canicule à Barcelone. Sorti de ça, l'éditeur mériterait une faillite.