Ayant découvert l’univers de Game of Thrones par la série TV et non par les livres, j’ai abordé les livres comme un complément, ou une alternative peut-être, à la série dont j’ai fini par être fan, j’en ferai de même dans ma critique. Je ne spoilerai pas dans le détail de passages importants, je les sous entendrai tout au plus mais j’en parlerai quand même à demi-mot donc bien sûr si vous voulez une découverte totale, lire cette critique n’est pas recommandée mais j’ai envie de dire que ça vaut pour toute critique dans ce cas-là.
Le bûcher d’un roi s’ouvre d’abord sur le blizzard des sauvageons avec beaucoup plus d’insistance sur leur misère, ce qui permet vraiment de mieux comprendre la menace de l’hiver en lui-même pour la suite. Ça sera aussi l’occasion d’avoir un peu plus d’explications sur le pouvoir des Zoman, sur la façon dont le zoman comme l’animal ressentent les choses de par leur lien, c’est toujours intéressant. Mais la vraie plus-value apportée par l’ouvrage au Nord de Westeros, c’est tout ce qui gravite autour de Jon et de Stannis, largement éludé dans la série TV qui a beaucoup simplifié cette partie du récit.
Pour Jon, c’est d’abord l’occasion de voir son point de vue par rapport à Vere dont on avait la perspective de Sam quelques tomes plus tôt, et ainsi de mieux le percevoir dans son évolution en tant que Lord commandant, bien plus pragmatique et réfléchi dans ses prises de position. Par exemple, il y a une petite différence avec l’exécution de Janos Slynt c’est ce petit temps où Jon annule l’ordre de pendaison, pour finalement le décapiter lui-même et affirmer d’autant plus son autorité, comme s’il était également influencé par Stannis. Ce dernier suit l’évolution presque inverse, habituellement inflexible il est pourtant à l’écoute de Jon qui ne lui dira pas toujours ce qu’il a envie d’entendre et la relation entre les deux personnages est très intéressante, presque comme une relation père-fils de substitution à certains moments.
Ce qui est également bien développé, c’est tout l’aspect stratégique des alliances avec les clans sauvageons et nordiens qui ne se contentent pas de tous suivre ou non telle voie. Par exemple, certains sauvageons sont prêts à collaborer avec Stannis, d’autres ne cherchent qu’à survivre et feignent de collaborer, d’autres encore préfèrent mourir que de soumettre... et il en va de même pour les nordiens que l’on voit à travers Davos cherchant à convaincre Manderly. C’est présent dans la série TV mais dans ce tome c’est bien plus palpable à mon sens.
Pour en finir avec cette partie-là de l’intrigue, Mance suppliant pour sa vie est un passage que je n’ai pas vraiment compris, je croyais préférer la version de la série où il semble sur le point de paniquer avant d’être interrompu, mais le tome suivant en fournit une justification parfaite. Val gagne également en charisme et si elle avait plus de place dans le récit je suis sûr qu’elle ferait partie de mes personnages féminins favoris de Game of Thrones, malheureusement elle est si en retrait pour le moment que je comprends le choix de l’adaptation qui l’a ignoré. Maintenant, ne passons pas du coq à l’âne mais plutôt de la neige au soleil avec ce qui se passe de l’autre côté du détroit.
Illyrio accueillant Tyrion au lieu de Varys à Bravoos est une ouverture sur cette intrigue plus longue et avec plus d’échanges même s’ils n’apportent pas grand chose, de la même manière que son escorte qui permet de développer comment se sent Tyrion après tous ces événements, d’appréhender Essos de son point de vue et plus en détails... pas inintéressant mais pas passionnant non plus jusqu’à bien sûr que soit révélée l’identité de l’un des membres de cette escorte qui vient se mêler à une autre sous-intrigue du côté des Martell qui sera aussi oubliée par la série.
C’est assez fou que Quentyn et Aegon aient été si facilement écartés tant ils ont le potentiel de changer beaucoup de choses dans le récit et que les révélations les concernant arrivent à complètement changer la donne, à envisager bien des scénarios alternatifs s’ils parvenaient à leurs fins, à interpréter différemment des agissements antérieurs dont on prenait le sens pour acquis... Les deux personnages ont en plus une personnalité assez différente et intéressante, les personnages qui les entourent ne sont pas mal non plus... Pour l’instant, leur intrigue n’est pas assez développée dans ce tome pour s’avérer sensationnelle mais les bases posées sont plutôt prometteuses.
Quant à Daenerys, elle gère Meereen comme la série le montrera mais là encore plus d’éléments viennent enrichir la chose. Xaro encore en vie est là pour marquer le dilemme de rester à Essos ou de conquérir Westeros, ce choix étant d’autant plus important à illustrer qu’il est en lien avec les intrigues de Quentyn et d’Aegon citées plus tôt. Sa relation avec Daario est plus développée, tiraillée entre le désir qu’elle ressent pour lui et son côté brutal et meurtrier qui lui fait peur dans l’influence que cela peut avoir sur elle par-delà l’absence d’intérêt politique d’un tel mariage. Évidemment, là encore on imagine sans mal le lien avec les autres intrigues.
Le Bûcher d’un Roi reprend les intrigues au nord de Westeros et de l’autre côté du détroit posément. Ce qui implique aussi bien assez peu de moments forts et mémorables, peu d’action à coup de grandes batailles ou de duels... que la mise en place et le développement de nouvelles intrigues et de nouveaux personnages prometteurs pour les tomes suivants poursuivant tout cela. C’est donc une petite réussite qui a le mérite d’aller là où la série ne s’aventure qu’à tout petit pas, mais qui n’a pas de moments de grâce pour le distinguer tout particulièrement.