Comme souvent quand les philosophes se prennent pour des sophistes prétentieux, ou plutôt quand ils sont de fait de sombres sophistes crétins et prétentieux, ceux-ci aiment à retourner la question posée et, en jetant une poudre ratiocinante aux yeux du lecteur ébloui, tentent de lui faire comprendre qu’il n’a rien compris et que la question qu’il se posait n’est en fait pas valable (ce qui les exempte, au passage, d’y répondre).
D’où ce cher André Comte-Sponville, affublé au passage d’un nom présageant bien de ses théories philosophiques (à la fois ronflant, ridicule et fleurant bon l’héritage contesté mais assumé catho snob et franchouillard), de nous dire que le capitalisme n’est, en effet, pas moral : il est a-moral. Ni moral, ni immoral.
Roulements de tambour, tonnerre retentissant, sonnez hautbois résonnez musettes, etc.
Attendez mais j’avais ouvert ce bouquin pour me repaître d’une bonne critique mesquine et partiale de notre ignoble système capitaliste, moi ! pas pour me retrouver devant une théorie vulgarisante proposant une sorte de système d’analyse simpliste qui propose de réduire notre vision du monde et notre compréhension de celui-ci à quatre “ordres” complètement fermés dont l’interaction relèverait de l’absurde, utilisant une ruse idiote de la raison pour éviter la question avec un sourire satisfait !
Le défaut de Comte-Sponville, c’est de vouloir simplifier à l’extrême. Son système est intelligent, et c’est bien peut être la seule qualité à laquelle il peut prétendre : logique, organisé, proposant une grille de lecture satisfaisante en donnant la fausse impression au lecteur d’avoir résolu tous ses problèmes pour lui.
Tout ce qui nous entoure relèverait de quatre ordres :
- celui des sciences et des techniques, duquel relève l’économie
- celui de la politique et du juridique, les lois et le gouvernement
- celui de la morale
- celui de l’amour
(-celui de la religion pour les croyants)
Chacun doit être “contrôlé” de l’extérieur et préservé des dérives qu’il pourrait connaître par celui qui lui suit.
Foncièrement, la morale se réduit à l’individu, à chacun de nous, séparément : une structure, un système, une loi ne peuvent prétendre être moraux sans en devenir ridicules (càd sortir de leur “ordre” respectif, selon l’acception pascalienne du terme). Chacun des membres d’une entreprise peut être moral (et encore, quand il ne donne pas la priorité à l’un des autres ordres quand il est confronté à une situation où les quatre ne préconisent pas le même choix), il ne peut pas attendre de l’entreprise qu’elle soit morale à sa place : elle est régie par les lois du système n°1.
La grande erreur du socialisme (le socialisme comme on l’entendait à l’origine, pas notre social-démocratie occidentale contemporaine), c’est-à-dire du communisme en général et de Marx en particulier, serait d’avoir voulu faire de la morale (ordre n°3) la base de l’économie (ordre n°1), ce qui, pour Comte-Sponville est 1. ridicule et 2. voué à l’échec. L’économie n’est en effet là que pour répondre à une seule exigence : celle de produire de la richesse.
Les hommes sont invariablement égoïstes, et la seule façon de faire fonctionner un tel système (de leur faire mettre l’intérêt général avant le leur) serait de les y contraindre par la force, ou de tenter de leur laver le cerveau : d’où les dérives inévitables du socialisme vers le totalitarisme.
Pour résumer son propos : le capitalisme est en effet ignoble, puisqu’il fonctionne sur le principe que les richesses vont aux riches (la plus-value étant la base de son fonctionnement). Mais aucun système ne produit autant de richesses que lui ! arrêtons de critiquer les capitalistes qui ne font que leur boulot ! le monde en est mieux comme ça !
Enfin, pour couronner le tout, ce livre est la compilation de plusieurs de ses conférences, ce qui lui donne un ton condescendant et une tendance omniprésente à verser dans l’égocentrisme, puisque il faut le croire, Comte-Sponville s’exprime sur un ton condescendant et avec une tendance omniprésente à verser dans l’égocentrisme. Je m’explique : il nous régale à chaque instant de diverses anecdotes tirées de sa vie privée tendant à nous démontrer d’une part son génie et la validité à toute épreuve de sa théorie, d’autre part le ridicule de quiconque tente de lui porter la contradiction (particulièrement visible dans la deuxième partie consacrée aux questions du public et à ses réponses, où il fait preuve d’une étonnante mauvaise foi, évite la plupart du temps le problème, et, on ne s’y attendait pas, détourne généralement la question).


Pronostic : mauvaise foi, ruse ratiocinante et théorie pourrie
Sentence de l’accusé : dix ans au goulag, lavage de cerveau et contribution forcée au nouvel ordre socialiste. Non mais. Aussi, va relire ton Kant*.
* allusion à sa tendance détestable à dire « si bidule avait lu son Truc, il aurait pu dire Machin ! Vive la culture vous êtes tous une bande de nazes pour qui ce mot veut dire Secret Story ! »

nein-emi
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le 3 nov. 2014

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nein-emi

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