L'intrigue du Cartographe des absences se déroule peu avant le passage dévastateur d'un cyclone à Beira, ville côtière du Mozambique, en 2019. Mais ce n'est que la partie émergée d'une histoire qui trouve ses ramifications dans le passé, plus précisément en 1973, quand le pays vivait encore sous l'autorité coloniale du Portugal et où "s'illustrait" l'abominable police politique de Salazar, le PIDE, responsable de nombreux massacres. Le livre alterne ainsi deux temporalités, le narrateur, poète de son état, ayant vécu, alors adolescent, des événements touchant de près son père, dont le métier était le même que le sien. Les péripéties sont nombreuses et les protagonistes abondent dans le roman, Mia Couto ne négligeant aucun d'entre eux, qu'ils soient blancs ou noirs, qu'ils soient tortionnaire ou résistant. Le poète retrouve d'ailleurs, plus de 45 ans plus tard, des personnages qu'il a côtoyés dans sa jeunesse et qui ont joué un rôle dans la fin de la vie de son père. Le cartographe des absences se révèle comme une fresque intime, qui raconte mieux que les livres d'histoire l'atroce réalité des excès du colonialisme, sous-tendue par un racisme "naturel." Pourtant, le livre du grand écrivain mozambicain n'est pas qu'une lamentation et va au-delà de son nécessaire travail de mémoire, grâce à son écriture et à sa science des récits entremêlés et parfois digressifs. Le style de Couto est splendide, élégant et poétique, avec quelques pincées de réalisme magique et de bonnes goulées d'humour. Ce simple dialogue en est une illustration :
Une chose m'a toujours paru bizarre. Pourquoi n'avez-vous jamais été raciste, ma belle-fille ?
Je ne sais pas, avait répondu ma mère. J'ai toujours été un peu distraite.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Métailié