Quand Tsomo parle de sa vie, c'est un peu comme une rivière qui suit son cours. Le débit est lent, la plupart du temps, certains souvenirs donnant lieu à de petites rides semblables aux murmures d'un ruisseau. Puis soudain, c'est comme un torrent qui rugit, l'emporte.
Je n’aurai pu choisir de meilleurs mots que ceux de l’autrice elle-même pour mettre en image l’impression laissée par le récit de Tsomo. Dans "Le Cercle du Karma" (2007), Kunzang CHODEN nous plonge dans la culture bhoutanaise des années 60, à travers le regard de cette fille de gomchen qui se voit refuser toute éducation en raison de son sexe et trouve dans le pèlerinage un échappatoire à son quotidien servile d’épouse. L’émancipation de Tsomo s’ancre donc dans la pratique de la religion bouddhiste et j’ai pensé… N’est ce pas là troquer un joug contre un autre ? Il a néanmoins fallut me rendre à l’évidence : ce choix permet au personnage de se réaliser. Il est l’occasion pour elle d’extérioriser son courage et sa détermination sans faille, sa bienveillance et son savoir. Le bouddhisme ne fait, par ailleurs, l’objet d’aucun prosélytisme de la part de l’autrice qui ne cesse de traiter son sujet avec une certaine ironie affectueuse. Ce récit initiatique, construit autour de véritables expériences de femmes au Bhoutan, illustre l’engagement de Kunzang CHODEN en faveur de la condition féminine, du développement de son pays et de la transmission de ses traditions orales. Pour ma part, si j’ai trouvé la fin un brin ennuyante, je garde de ce roman des bribes de croyances pleines de poésie et le souvenir d’une voix emprunte d’une humilité que j’avais rarement (si ce n’est jamais) rencontré en lecture ; et ce fut, en cela, une expérience unique !