Rivières intérieures
(Librairie). Il y a une gradation dans l’intensité de ce roman intelligent, qui ne culmine pas seulement dans ses derniers chapitres, mais aussi dans les annexes. Il y a une autre forme de beauté...
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le 31 juil. 2024
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Dans ce petit roman, deux narratrices, une écrivaine en retraite dans la montagne et la rivière canalisée qui borde la maison où elle loge, nous content l'histoire de Clara et Meni, deux adolescentes qui vivaient là il y a une centaine d'années. La rivière, à l'époque libre et indomptée, se souvient de tout, elle a vu la fille de la bergerie et la fille du vacher grandir ensemble, se baigner dans son lit, s'aimer profondément, et s'éveiller au désir l'une avec l'autre, à une époque où être lesbienne signifiait s'exposer à la violence encore plus qu'aujourd'hui. L'écrivaine, quant à elle, part sur leur trace tout en ignorant leur existence, découvrant les ruines des maisons où elles ont vécu, les falaises où elles se sont risquées, les alpages qu'elles ont parcourus, la forêt ou elles se sont réfugiées et perdues.
Ce qui m'a frappée et conquise dans ce récit court mais fort, c'est d'abord le style d'écriture. Fluide et frais comme un torrent de montagne, il déroule le récit avec sa douceur et ses fracas. Il sonnait jeune à mes oreilles de vingtenaire et j'ai étonnée étonnée d'apprendre l'âge de l'autrice. Il m'a fait l'effet d'une performance de trapéziste : faciles à lire, les phrases donnent l'impression d'avoir été faciles à écrire, d'être sorties toutes seules de l'esprit de leur autrice, et pourtant si on prend du recul, on sent un réel travail derrière ces phrases, on sent qu'elles ont eu besoin de grandir et d'être façonnées avant d'être accouchées sur papier.
Cette fluidité d'écriture sert à merveille l'histoire, on ressent la vivacité des deux filles, et de la nature alpine qui les entoure. C'est beau à lire, ça laisse une impression de belles phrases et de belles images. C'est une belle histoire, de celles dont le monde a besoin, une histoire tendre et triste et douce-amère, qui transmet la douleur des femmes et de celles qui osent aimer différemment, mais aussi l'espoir et la joie de la vie qui se perpétue et de l'amour qui se déploie.
J'ai aussi aimé le souci du détail dans les descriptions de la vie à la montagne, des différents lieux, des tâches quotidiennes, des animaux et des humains qui parcourent le flanc ombragé de la vallée au sommet. Le livre se clôture d'ailleurs sur un échange épistolaire qui nous éclaire sur les conditions de naissance du récit, le lien affectif de l'autrice avec le lieu qu'elle décrit (et qui existe réellement), et sa recherche de précision historique et naturaliste.
Une histoire à lire au soleil, au bord d'un ruisseau, avec le temps devant soi, et une personne à qui faire un câlin ensuite.
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Créée
le 2 nov. 2024
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