Ma critique sera plutôt courte. Non pas parce qu'il n'y aurait rien à dire, bien au contraire. C'est juste que je ne veux pas trop en dire. Le Chant de Susannah est l'avant-dernier volume de La Tour Sombre : dévoiler son histoire signifie rompre le suspense des romans précédents. Je serai donc succinct.
J'ai mis dix mois avant d'avoir la motivation suffisante pour lire ce livre. J'avais bien aimé le début de La Tour Sombre (surtout les romans 2 et 3), mais le 4ème opus (Magie et Cristal) a brutalement refroidi mon enthousiasme ( http://www.senscritique.com/livre/Magie_et_cristal_La_Tour_sombre_tome_4/critique/7799302 ). Les Loups de la Calla m'a bien plus amusé, même si le roman est finalement très prévisible et ne brille pas par son originalité. Et puis, il faut bien avouer que le titre de ce roman n'est pas très engageant : Susannah est, de très loin, le personnage que j'apprécie le moins dans le ka-tet de Roland. Enfin, je m'y suis lancé.
Le Chant de Susannah est divisé en treize parties, treize "couplets". Les couplets du début sont assez courts (20 pages environ) et la longueur augmente au fil du livre pour atteindre les 50-60 pages sur la fin.
Quand j'ai fini le premier couplet, j'étais complètement happé par le récit. Incontestablement, le talent de King est intact : impossible de sortir de ce roman une fois passées les premières pages. L'écriture est remarquable et passionnante. Le narrateur ne perd pas de temps à s'affliger sur les drames présents ou futurs. De l'action, du suspense, de l'humour. Oui, beaucoup d’humour, surtout dans les scènes où Stephen King intervient lui-même comme personnage. Et on ne peut pas dire qu'il se ménage...
La construction du roman est en grande partie responsable de sa réussite. L'histoire se déroule sur trois niveaux, et King fait alterner les lieux (et les époques, et les personnages) au juste moment, en plein suspense, juste avant de trop en faire et surtout avant que le lecteur puisse se lasser. Du coup, on a constamment l'impression d'avancer, de progresser (ce qui n'était pas le cas de Magie et Cristal).
Car l'action progresse. ET surtout, on apprend énormément d'informations sur le monde de Roland, sur La Tour Sombre elle-même, sur les mondes qui lui sont rattachés, sur Le Roi Cramoisi. On a droit aussi à des relectures très intéressantes de scènes des romans passés, relectures qui bouleversent complètement ce qu'on croyait savoir et ouvrent de nouvelles perspectives.
Car l'ensemble du cycle est d'une incroyable cohérence interne. King reprend constamment des détails des romans passés pour les exploiter 2000 pages plus loin, sans jamais perdre ses lecteurs. C'est ça, le génie d'un grand romancier.
Bon, d'accord, le treizième (et dernier) couplet m'a paru un peu grotesque, mais peut-être que je chipote. Et puis, j'ai bien aimé la façon qu'a eu King de mêler des éléments autobiographiques à la fiction (ce qu'il fait dans presque tous ses romans, mais ici c'est directement assumé).
Un très bon roman donc, qui promet un final alléchant.