Premier ouvrage de Junichiro Tanizaki que je lis, Le Chat, son Maître et ses deux Maîtresses est un recueil de quatre nouvelles dont le titre provient de la première nouvelle, la principale, qui a des allures de court roman (120 pages) face à deux autres récits faisant une quarantaine puis deux vingtaines de pages.
Il semblerait que ces textes soient très différents du reste de l’oeuvre de Tanizaki. On retrouve dans le premier une thématique animale, qu’il aimait mais n’avait pas pu développer, et un sens de l’humour vaudeville assumé ici. Dans la seconde nouvelle, Le petit Royaume, on a une dimension politique absolument unique dans son œuvre.
Bref.
Dans la première nouvelle, Shozo, un homme assez moyen et faible, s’est remarié. Shinako, sa première épouse réclame Lily, la chatte de Shozo, à Fukuko, la nouvelle épouse. Un jeu de manipulation se joue autour de la possession de l’animal. Chacun des protagoniste, notamment O-Rin la mère de Shozo, manipulent les autres selon ses intérêts propres, se pensant plus malin qu’autrui mais étant souvent découvert aisément. Mais derrière ces manipulations autour de ce séducteur involontaire il y a Lily et une magnifique ode à l’amour qu’un chat peut donner à son maître et que celui-ci peut transmettre.
Tanizaki est d’une puissance et d’une efficacité rare pour montrer tous les détails d’une relation de dix ans entre un chat et son propriétaire. L’oeuvre est incroyablement efficace ici. Si la thématique du chat est devenu très à la mode dans la littérature japonaise contemporaine, on peut voir comment un maître comme Tanizaki parvient à hisser cela à un rang rarement atteint. Si vous aimez les chats, vous ne pouvez vous passer de cette lecture.
On regrettera la fin trop abrupte, mais on appréciera de voir la psyché des personnages, ceux-ci étant particulièrement creusés.
Le petit Royaume narre la vie d’un professeur d’école qui découvre le pouvoir charismatique d’un de ses élèves. Derrière l’amusement à première vue des jeux d’enfants, on découvre surtout des jeux de pouvoirs, une noirceur sans fin face à la pauvreté et une critique réelle des questions politiques. Oeuvre très brève, elle invite cependant une réflexion profonde sur ce que l’auteur désigne : où est le pouvoir réel et celui-ci est-il bien juste ?
Enfin le Professeur Ratô et sa suite sont deux nouvelles sur un étrange professeur où les dernières pages révèlent un goût de la perversion qui semble être un des éléments récurrents des œuvres de Tanizaki. Ces deux textes sont bien plus secondaires et servent, comme on dit, surtout à vendre du papier ici.